Endo Tribune Édition Française | Mai 201642 Touslesjours,nouscontinuonsàtirerbien desleçonsdel’anatomieetdelanature.Quoi qu’il devienne un acte routinier, le traite- mentcanalaireréservedessurprisesquipeu- vent parfois aller dans la direction opposée à cellequenousattendions.Cetarticlemeper- met de vous présenter deux cas inhabituels traités dans mon cabinet. Cas 1 Selon mon expérience, le premier cas cli- nique relevait plutôt du défi. Le patient avait étéadresséàmoncabinetpouruneparesthé- sie affectant la moitié de la lèvre inférieure, du côté où un traitement canalaire de la deuxième molaire inférieure avait été ré- alisé. La radiographie préopératoire (Fig. 1), qui avait été envoyée par son chirurgien-den- tiste, indiquait un traitement canalaire ré- alisé dans les règles, qui n’expliquait pas les signescliniques,maissil’onregardaitmieux la partie apicale, on pouvait noter que le ma- tériau d’obturation placé dans l’apex était très proche du canal mandibulaire. Un re- traitement immédiat s’imposait. Malheu- reusement, le matériau qui avait été utilisé étaitletuteurplastiqueenrobédegutta-per- cha Thermafil (DENTSPLY). Il s’étendait le long du nerf, causant une inflammation qui elle-même comprimait le nerf. Le matériau Thermafil a été extrait des canaux – ce qui n’est jamais chose simple – à l’aide de limes K3XF(SybronEndo ;Fig. 2),sansutilisationde solvant,afindeprévenirtoutelésionsupplé- mentaire du nerf en cas d’infiltration. J’ai ré- glé le moteur Elements à mouvement adap- tatif (Kerr Endodontics ; Fig. 3) sur le mode K3XF et j’ai d’abord utilisé une lime de dia- mètre de pointe 25/ conicité 06 dans la par- tie ramollie de gutta-percha avec le fouloir System B. J’ai pris toutes les précautions pour ne pas enfoncer davantage le tuteur dans le nerf et ne pas endommager le plas- tique, afin de ne pas perdre le contrôle. J’ai ensuiteutiliséunesecondelimeK3XFdedia- mètre de pointe 25/ conicité 04, pour élimi- ner davantage de gutta-percha et dégager le tuteur. L’instrumentaétéutilisépourmaintenirle tuteuretl’extraireducanal (Fig.4).Aprèslere- trait du Thermafil et la détermination de la longueurdetravailexacteàl'aidedulocalisa- teurd'apexApex ID(Axis,SybronEndo,Fig. 5), les canaux ont été mis en forme selon la séquence pour petits canaux (SM) en mode TF Adaptive, jusqu’à la longueur de travail. J’ai utilisé le système d’irrigation EndoVac (SybronEndo, Fig. 6) avec une solution saline physiologique froide, en vue de diminuer l’inflammation par un refroidissement des racines. Tous les canaux ont été irrigués avec la solution saline froide pendant au moins 20 minutes.J’aiutilisécettetechniquedansle but de parvenir à une réduction immédiate de l’inflammation présente dans le canal mandibulaire mal innervé. L’inflammation du nerf lui-même et de l’espace environnant peutprendreuncertaintempspourdisparaî- tre, et je devais la réduire le plus rapidement possible. Un tampon de ouate a été placé à l'intérieurdelacavitéd'accès,puissurmonté d’unjointhermétiquepourmaintenirlesca- naux vides. J’ai aussitôt demandé un examen tomodensitométrique (I-Cat, Imaging Scien- cesInternational)afind’examinerlecas.Àma surprise, j’ai constaté que le canal mandibu- laire était positionné différemment par rap- port au canal controlatéral, et qu’il était en contact avec l’apex de la deuxièmemolaireconcernéepar letraitementcanalaire(Fig. 7). Des anti-inflammatoires ont étéprescritsaupatientetceder- nierafaitl’objetd’unsuivi.Après quelques jours, il subsistait une certaine insensibilité de la lèvre mais la fonction était normale. Une nouvelle tomodensitomé- trie a été réalisée trente jours après l’intervention (Fig. 8), afin de contrôler l’inflammation du nerf lui-même, mais entre- temps, nous avions continué à irriguer les canaux avec une so- lution saline physiologique froide tous les trois jours. Au moment où le patient a indiqué un re- tour de la sensibilité, j’ai décidé de sceller les canaux, et c’était pour moi la minute de vé- rité. Je savais en effet que je devais non seule- ment sceller les canaux jusqu’au repère 00.00,maisaussiplacerunpetitbouchonde matériau de scellement à l’extrémité. Des maîtres-cônes ajustés avec précision ont été placés à l'intérieur des canaux, de telle façon qu'une résistance au retrait (tug-back) très marquée puisse être ressentie lors d’un test de désinsertion. La quantité exacte de maté- riau de scellement a été utilisée afin d’éviter toutexcès,etuneobturationàchaleurmodé- réeaétéréaliséeavecl’unitéd'obturationEle- ments (SybronEndo). L’intégrité de l’obtura- tion a été vérifiée par tomodensitométre vo- lumique à faisceau conique (CBCT) (Figs. 9 et 10). Six mois plus tard, une radiographie clas- sique a été réalisée (Fig. 11) dans le cadre du suivi de ce cas ; le patient se sentait très bien etsalèvreavaitrécupérétoutesafonctionna- litéetsasensibilité.Ladernièreradiographie montrait un espace canalaire bien scellé et aucune trace résiduelle du matériau de scellement dans le canal mandibulaire. Ce cas nous permet de conclure que nous nesauronsjamaispourquoiilexisteunetelle différence entre la position du canal mandi- bulairedroitetcelledu canal mandibulaire gauche. Il nous faut simplement respecter le repère 00.00 de la longueur de travail dans les racines, ni plus ni moins. Mais la conclu- sion la plus importante est cependant que la nature et le corps humain sont dotés d’une puissance de guérison réellement surpre- nante, une fois que la cause de l’inflamma- tion a disparu. Cas 2 Lesecondcascliniqueestceluid’unpatient qui s’est présenté au cabinet dentaire en rai- son d’une douleur masticatoire au niveau de samolaireetd’unefistulesurlafacevestibu- lairedesapremièremolaireinférieure.Àpre- mière vue, la radiographie préopératoire in- diquait un traitement canalaire satisfaisant et réalisé conformément aux recommanda- tions (Fig. 12). Cependant, après un examen plus minutieux du cliché radiographique, il était clair que quelque chose n’était pas normal dans la région apicale des canaux mésiaux. L’examen approfondi a permis de conclure à un certain état pathologique de la partie coronaire du canal distal, et la possibi- lité d’une résorption cervicale ou d’une ré- sorption interne susceptible d’expliquer la présence de la fistule dans cette zone. Pour le retraitement de ce cas, nous avons denouveauutilisédeslimesK3XFainsiquela technique d’irrigation appropriée par Endo- Vac. Le moteur étant réglé sur le mode TF Adaptive, une lime de diamètre de pointe 50/ conicité 04oulalimeML3aétéuti- lisée pour la mise en forme des 3 derniers millimètres des canaux. Des maîtres-cônes appropriés ont été préparés de façon à obte- nir une très forte résistance au retrait (tug- back),à0,5 mmdelalongueurdetravail.Mon choix s’est porté sur l’unité d’obturation Ele- mentspourréaliserlescellementdusystème radiculaire. Pour le fouloir, j’ai sélectionné le plus grand instrument afin de parvenir à 5 mm de la longueur de travail dans chaque canal, y générer une pression hydraulique et effectuer un scellement tridimensionnel pendantlaphasededescentedelacondensa- CAS CLINIQUE Parvenir au point 00.00 Pr Philippe Sleiman,Liban 3 4 5 6 1 2 34 56 12