Chirurgie Tribune Édition Française | Mai 201630 Introduction A tout âge, l’os lésé, a cette étonnante capacité d’autorégénération; il se répare et retrouve ainsi toutes ou parties de ses parti- cularités fonctionnelles. Commelecartilage,auquotdien,l’osest en remaniement permanent : le capital osseux s’adapte ainsi aux sollicitations bioméca- niques, en remplaçant le tissu ancien par du tissu nouveau. Le tissu osseux est composé de cellules (ostéocytes) enveloppées d’une matrice extracellulaire minéralisée. Cettematriceosseusese renouvèleenper- manence grâce à l’équilibre entre l’action de deux familles de cellules : les ostéoblastes et les ostéoclastes. Les ostéoblastes synthéti- sent la matrice osseuse tandis que les ostéo- clastes éliminent les tissus osseux vieillis- sants sous le contrôle de différentes hormo- nes et des sollicitations mécaniques (remo- delage). Grace à ses propriétés régénératives un nouveau tissu est formé suite aux extrac- tions dentaires. Cette ostéogenèse vise à combler le défaut et restaurer l’efficacité fonctionnelle de l’os. La formation - guérison de l’os est contrô- lée par des facteurs systémiques et locaux ; elle se déroule en deux étapes majeures : – formation d’un tissu osseux immature en différents sites dans le but de colmater et remplir le défaut – modelageetminéralisationdecetosimma- ture qui va se transformer en os lamellaire résistant Mais dans certains cas, ce processus natu- rel d’autoréparation est perturbé : en fonc- tion de l’origine et l’étendue de la lésion, des problèmes mécaniques ou biologiques em- pêchentcetterégénération.Demême,certai- nes pathologies (fractures...) ou interven- tions chirurgicales (extractions, ablations de tumeursoudekystes,éliminationsdefoyers infectieux.) peuvent aboutir à des pertes de substancesosseusesplusoumoinsétendues. Danscecas,lareconstructiondel’osdoitêtre assistée:c’estl’enjeudelabio-ingénierie etla bio-stimulation osseuse. Les praticiens et les spécialistes des matériaux combinent leurs connaissancesdanslebutdereconstruiredes tissus squelettiques fonctionnels, dotés de bonnes propriétés biologiques et méca- niques visant en finale à recevoir des im- plants dentaires. Peut-on régénérer l’os perdu ? Le prélèvement autogène La première solution envisagée pour répa- rer un os était le prélèvement d’une fraction osseusedansleproprecorpsdupatient,sous forme de greffe ; on parle alors d’autogreffe osseuse. C’est la technique de référence consistant à transférer une pièce osseuse là où le comblement est nécessaire. L’autogreffeneproduitpasderéactionim- munitaire de défense, puisque le tissu pro- vient du patient. Cependant le prélèvement d’une greffe osseuse libre provoque une interruptiondelamicrocirculationetlamort d’un grand nombre de cellules. La capacité d’intégration du greffon dépend alors en bonne partie de facteurs locaux : nutrition, migrationcellulaire,sarevascularisation ;les vaisseaux apportent l’énergie et les nutri- ments nécessaires à la prolifération cellu- laire. Ilestparcontreétabliqueletissugreffé contienne des facteurs de croissance et aut- res agents qui peuvent faciliter le processus de cicatrisation. C’est la grande différence avec les substituts osseux. Par ailleurs, l’autogreffe suppose un se- cond site opératoire (pour le prélèvement) qui peut occasionner certains inconforts ou complications (douleurs, infections, abcès, névralgies). La taille du greffon nécessaire au comblement présente une autre limite im- portante. Lessitesfréquemmentchoisispourlepré- lèvementdugreffonpeuventêtreintraouex- trabuccaux.Leprélèvementendobuccals’ef- fectuera de préférence dans la région rétro molaire - angulaire, ou symphysaire mandi- bulaire. Concernant les prélèvements extra buc- caux le site iliaque est plus ou moins aban- donné laissant place au prélèvement parié- tal. Un bloc spongieux (médullaire), cortical oucorticospongieuxpeutêtreprélevé.Leré- sultat obtenu et le bénéfice attendu pour- raient être variables en fonction du type de l’implant choisi. Les processus de revascula- risationsontnécessairespourlaformationet la maturation osseuses. Ils sont différents pour l’os médullaire et l’os cortical en raison des variances morphologiques : L’angioge- nèseseproduitentreetlelongdestrabécules osseux de l’os médullaire alors que l’activité ostéoclastique est nécessaire avant qu’une revascularisationosseusecorticalenepuisse avoir lieu. L’oscorticalestplusdenseet moinsvascu- larisé que l’os spongieux ; ce dernier repré- sente une fois transplanté un réservoir de cellules souches capables de fabriquer du tissuosseux,danslecasoulasurviecellulaire est possible ( greffe pédiculée..). Les Substituts osseux L’avantage premier des substituts osseux est qu’il n’est pas nécessaire de recourir à un site donneur pour le prélèvement. Les biomatériaux de substitution osseuse ont permis de repousser les limites de l’im- plantologie et de rendre plus accessibles aux patients certaines techniques d’optimisa- tion volumétriquejadisrefuséesdufaitdela nécessité du deuxième site opératoire. Les substituts osseux naturels (orga- niques) ou synthétiques (alloplastiques) ont été testés dans différentes situations cli- niquesetlesrésultatsprouvéspardesétudes histologiques de biopsies provenant de pa- tients et de modèles animaux. Les résultats ne sont pas toujours à la hau- teurdel’espérancedeschirurgiens.Plusieurs facteurs sont à l’origine de ces échecs : – lanoncompréhensiondelaphysiologieos- seuse, – la méconnaissance des biomatériaux, de leur intégration et de leur mode de fonc- tionnement – l’absence de technique chirurgicale adap- tée – l’absence d’un site hôte bien vascularisé – l’absence du microenvironnement qui va conférer à ce matériau la capacité de se ré- sorber laissant place progressivement à la formation osseuse La maîtrise de l’opérateur doit être multi- disciplinaire ; elle exige non seulement la connaissance des propriétés structurales, physico chimiques et thermodynamiques desbiomatériauxmaisaussiunegestionchi- rurgicale appropriée : Comment peut-on ré- ussirunegreffeennégligeantunebonneges- tion des tissus mous ? Unmatériauimplantédansunmilieubio- logique va déclencher une série de messages qui vont induire les réponses protéiniques, cellulaires et à une échelle plus clinique, tis- sulaires. Cette réponse est liée aux facteurs propres intrinsèques du matériau, à la nature du site receveur,àl’étatgénéraldupatientetàcertains phénomènes iatrogènes qui peuvent pertur- berlebondéroulementdelacicatrisation. Lors de la mise en place d’un matériau, deux phénomènes peuvent s’y produire : – Action du vivant receveur sur le biomaté- riau (dégradation, élimination, encapsula- tion ou stockage...) – Action du biomatériau sur le vivant (ad- sorption des protéines, bioactivité, pro- duitsderelargage,thrombogénicité,cancé- rogénicité...).Eneffetlescellulesnecommu- niquentaveclesmatériauxqu’àtraversleur surface. L’hydrophilie ou l’hydrophobie, la charge électriqueetlarugositédesurface,ladensité, la porosité, la répartition des sites récep- teurs, la composition chimique, sont autant de facteurs qui peuvent déterminer le com- portement d’un matériau, son mode de dé- gradation et les éventuelles réactions immu- nes qu’il peut engendrer. Réalités sur la résorbabilité d’un matériau : La résorbabilité se définit comme la capa- cité de certains biomatériaux à se dégrader laissant progressivement la place à une for- mation osseuse (apposition). Lesphénomènesquirégissentcettedégra- dation sont complexes ce qui rend difficile d’évaluer avec exactitude les délais de trans- formation des matériaux. Certains maté- riaux réputés résorbables peuvent se retro- uver (dans certaines conditions) non trans- formés même après de longues années. De même des matériaux supposés non résorba- bles peuvent subir des transformations et une résorbabilité relative au contact des flui- des biologiques. Deuxphénomènesmajeursrégissentlaré- sorbabilité d’un matériau : – Activité cellulaire adéquate (nécessité d’un micro environnement favorable) – Dissolution dans les fluides biologiques. La finalité d’un matériau résorbable sera derégénérerl’osperduetfavoriserlaposeul- térieure d’implants. ZOOM Régénérerl’osperdu,sculpterlagencive pourmieuxréhabiliterprothétiquement 1ère partie Dr Elias KHOURY,Dr Georges KHOURY Facteurs intrinsèques des matériaux Porositérelative,interconnexionsdespo- res, densité, taille des granules, composi- tionphysico-chimique,contaminationde surface Facteursenrapportavecl’étatgénéraldu patient Troublesdumétabolisme,pathologiesos- seuses ou générales, affections rénales ou parathyroïdiennes, déficit en vitamine D, maladies auto-immunes Facteurs loco et régionaux Recouvrementdelagreffe,lesitereceveur assainietsonpotentielvasculaire,qualité destissusmous(biotypefinouépais),état du périoste,traumatismechirurgical,sta- bilisation du greffon, causes iatrogènes post-opératoires (prothèses amovibles compressives, tabac, alcool....), hygiène post chirurgicale Facteursinfluençantla transformationdesmatériaux : Sites de prélèvements osseux Fig.1:Prélèvementpariétal.|Fig.2:Prélèvement retromolaire.|Fig.3 :Prélèvement symphysaire. 1 2 3