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Dental Tribune Édition Française No. 2, 2018

8 ACUPUNCTURE Dental Tribune Édition Française | Février 2018 Acupuncture : elle sonde le terrain en dentisterie – Partie I Une introduction à l’acupuncture et ses applications pratiques dans un cabinet dentaire moderne Par le Dr Wong Li Beng, Singapour L’histoire de la médecine traditionnelle chinoise (MTC) peut être retracée jusqu’aux dynasties Qin et Han, fondées il y a plus de 2 000 ans, et même jusqu’à la période des Royaumes Combattants. Le Huangdi Nei Jing, ou Classique interne de l’empereur Jaune, est un ouvrage scolastique d’une importance comparable à celle du Corpus hippocratique rédigé par le médecin grec Hippocrate. Il traite des doctrines et des philosophies médi- cales chinoises accumulées au fil des ans et aujourd’hui, il sert toujours de guide et de base théoriques à tous les développements de la MTC contemporaine. Il est constitué de deux parties, le Su Wen [Question simple], qui aborde principalement les aspects théoriques et les méthodes diagnostiques, et le Ling Shu [Pivot spirituel] qui aborde la pratique de l’acupuncture de façon détaillée. Selon la définition de la loi relative aux pra- ticiens en MTC de Singapour,1 l’acupuncture est « la stimulation d’un ou de plusieurs points de la surface corporelle au moyen de diverses techniques (avec ou sans insertion d’aiguilles), qui font appel à l’énergie élec- trique, magnétique, lumineuse et sonore, aux ventouses et à la moxibustion, pour normali- ser les fonctions physiologiques ou traiter les maladies et les troubles du corps humain ». Pour comprendre la place de l’acupuncture dans la MTC, il est avant tout nécessaire d’ap- préhender les philosophies thérapeutiques fondamentales de la MTC. La MTC est fondée sur le concept de l’ho- lisme selon lequel le corps humain est consi- déré comme un tout organique indivisible ; tous les éléments qui le constituent sont in- terconnectés, ils s’organisent et interagissent fonctionnellement. La MTC découle égale- ment d’une vision de l’être humain en inte- raction avec son environnement et des effets de cette interaction sur le corps humain. Le degré d’harmonie du corps humain, au mo- ment où il est agressé par les facteurs patho- gènes (tant internes qu’externes), détermine la survenue et la progression de la maladie et cette harmonie peut être régulée par le main- tien de l’équilibre entre le Yin et le Yang ainsi que de l’équilibre entre le Qi et le sang. Le Qi vital, autrement dit la force ou l’énergie vi- tale, est vu comme l’élément qui fait fonc- tionner le corps tout entier. Il y circule par- tout en empruntant des canaux particuliers appelés « méridiens ». Pour le dire simple- ment, le traitement d’acupuncture consiste à stimuler certains points le long des méridiens, afin de permettre la libre circulation du Qi et maintenir l’équilibre entre le Yin et le Yang ainsi qu’entre le Qi et le sang. La figure 1 illustre la pathogenèse de la maladie selon la philosophie de la MTC.2 Ce principe d’interaction entre les patho- gènes et leurs hôtes, selon lequel la manifes- tation de la maladie dépend à la fois de la virulence des pathogènes envahisseurs et de la réponse de l’hôte, présente des parallèles avec certains concepts modernes de la pro- gression morbide avancés par la médecine occidentale, notamment la pathogenèse de la parodontite (Fig. 2) – une maladie inflamma- toire causée par des micro-organismes oraux et menant à la perte des structures de soutien entourant les dents.3 L’article de James Reston, un journaliste du New York Times, chez qui l’acupuncture avait soulagé la douleur postopératoire après une appendicectomie, et la visite du président des États-Unis Richard Nixon en Chine en 1971f ont mis l’acupuncture sur le devant de la scène et suscité beaucoup d’intérêt dans le secteur médical occidental. En 1979, l’Organi- sation mondiale de la santé (OMS) a approuvé l’utilisation de l’acupuncture pour le traite- ment de 43 indications et a étendu le nombre à 63 en 1996. Dans le rapport 2003 de l’OMS, Genève, la douleur en odontologie (y compris la douleur dentaire et le syndrome algo- dysfonctionnel de l’appareil manducateur), l’algie faciale et la douleur postopératoire figuraient parmi indications pour lesquelles le traitement d’acupuncture s’était révélé efficace, dans le cadre d’essais cliniques contrôlés.4 les Base scientifique de l’acupuncture Une composante du traitement d’acupunc- ture est l’excitation du Qi. Elle se traduit par la sensation dénommée « De-Qi », qui est la transmission le long des méridiens du ressen- ti créé par l’introduction d’une aiguille dans un point d’acupuncture. Les patients la dé- crivent souvent comme un endolorissement, un engourdissement, une douleur, une pléni- tude ou une sensation de chaleur due à la ma- Pathogènes exogènes | Vent | Froid | Chaleur estivale | Humidité | Chauffage | Facteurs pestilentiels Pathogènes endogènes | Les 7 émotions | Alimentation inadéquate | Travail et loisirs inadaptés (cid:25) Degré d’harmonie du patient (cid:25) | Équilibre entre le Yin et le Yang | Équilibre entre le Qi et le sang | État du Qi vital | Qi faible dans le méridien (cid:25) (cid:25) Facteurs pathogènes secondaires | Mucosités | Fluides stagnants | Sang stagnant Caractéristiques cliniques simultanées de la maladie basées sur l’identification des syndromes selon les 8 règles | Intérieur/Extérieur | Chaleur/Froid | Vide/Plénitude | Yin/Yang Fig. 1 : Pathogenèse de la maladie reposant sur la philosophie MTC.2 Facteurs de risque génétiques, acquis et environnementaux (cid:25) (cid:25) Bactéries pathogènes spécifiques (cid:25) Réponse immuno- inflammatoire de l’hôte (cid:25) Métabolisme du tissu conjonctif et de l’os (cid:25) Manifestation clinique de l’apparition et de la progression de la maladie Fig. 2 : Pathogenèse de maladie parodontale.3 nipulation de l’aiguille. L’acupuncteur la per- çoit également sous la forme du phénomène dit de « saisissement de l’aiguille », un élé- ment déterminant qui indique au praticien si la stimulation du point a été efficace. Récem- ment, une étude histologique sur des mo- dèles de rats, semble avoir confirmé que cette sensation de saisissement est le résultat du resserrement des fibres d’élastine et de colla- gène autour de l’aiguille, pendant sa manipu- lation.5 Les auteurs ont été jusqu’à émettre l’hypothèse que ce couplage mécanique entre l’aiguille et le tissu mou est responsable de la transduction des signaux mécaniques aux fibroblastes et à d’autres cellules et, en aval, des effets thérapeutiques observés. Il est possible d’expliquer la manière dont l’acupuncture peut soulager la douleur par la théorie du portillon sur la modulation de la douleur. Selon cette théorie, la stimulation des points d’acupuncture active les fibres ner- veuses afférentes alpha, delta et C, qui en- voient alors des signaux à la moelle épinière et déclenchent la libération locale de dynor- phines et d’enképhalines.6 Lorsque les si- gnaux atteignent le mésencéphale, tant des neurotransmetteurs excitateurs et inhibi- teurs sont activés dans la moelle épinière. Il y a production de neurotransmetteurs tels que la sérotonine, la dopamine et la noradréna- line, qui sont responsables d’une inhibition pré et postsynaptique de la transmission de la douleur. Ensuite, parvenus à l’hypotha- lamus et à l’hypophyse, les signaux dé- clenchent la libération de l’hormone adréno- corticotrope et d’endorphines. Cette théorie forme la base de notre compréhension ac- tuelle de l’effet analgésique de l’acupuncture dans la médecine occidentale, quoique d’autres effets thérapeutiques de l’acupunc- ture, notamment dans le traitement des nau- sées, de la gastrite, de l’asthme et de la dysmé- norrhée, ne soient pas encore totalement expliqués. Dans l’asthme, l’un des points d’acupuncture qui déclenche une réponse thérapeutique, V13 (Feishu), est situé approxi- mativement à 38,1 mm, latéralement par rap- port à l’apophyse épineuse de la vertèbre T3. On a avancé l’hypothèse que la position de V13 (Feishu) coïncide approximativement avec le ganglion sympathique situé à hauteur de T3, qui envoie les fibres postganglion- naires au plexus pulmonaire et au plexus car- diaque.7 Application dentaire de l’acupuncture Prise en charge de la douleur dentaire, effet analgésique et soulagement de la douleur postopératoire Selon la théorie de la MTC, des points d’acu- puncture locaux situés dans les régions de la face, tels que E6 (Jiache) et E7 (Xiaguan), et des points à distance, tels que GI4 (Hegu), peuvent être utilisés pour traiter la douleur dentaire. Ils font partie des méridiens de l’estomac et du gros intestin, qui convergent au niveau de la région faciale et passent par les dents maxillaires et mandibulaires, respectivement. La littérature médicale occidentale a avancé l’hypothèse que l’acupuncture peut produire un effet analgésique sur un site à distance par le biais d’un contrôle inhibiteur diffus no-

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