Esthétique Tribune Édition Française | 1/2024 PUBLI RÉDACTIONNEL • Dans les cas de patients très dépendants, il convient d’envisager l’extraction des dents. • Bien qu’il ne soit pas toujours pos- sible d’obtenir des résultats satisfai- sants dans la pratique, il est impor- tant de maintenir une bonne hygiène bucco-dentaire chez les patients âgés. Des conditions orales saines sont particulièrement cruciales chez ces patients, car on sait que la santé bucco-dentaire et la santé systé- mique sont interconnectées. Par exemple, une mauvaise hygiène bucco- dentaire peut être à l’origine d’une pneumonie chez les patients dépendants. Comme pour les patients plus jeunes, le but de la prévention des caries chez les patients âgés est d’agir sur les facteurs étiologiques qui inter- viennent dans le développement des caries. Par conséquent, les patients âgés présentant un risque carieux accru devraient réduire leur consom- mation de sucre et veiller à une appli- cation générale de fluorure par un brossage des dents avec un dentifrice fluoré deux fois par jour. • En raison de la perte osseuse paro- dontale, les patients âgés présentent souvent des espaces interdentaires ouverts qui sont prédisposés aux lésions carieuses radiculaires (Fig. 1). Ces patients doivent veiller à une hy- giène de ces espaces au moyen de brossettes interdentaires et d’un dentifrice fluoré. • Dans de nombreux cas, les défi- ciences liées à l’âge entraînent une diminution de l’efficacité des me- sures d’hygiène bucco-dentaire que les patients âgés effectuent eux- mêmes, en particulier les patients dépendants, qui peuvent ne plus être du tout capables d’assumer ces gestes. Les soignants, dont les membres de la famille, doivent donc être encouragés à apporter leur soutien ou à assumer les mesures d’hygiène bucco-dentaire. inactif Il existe des traitements non invasifs pour les lésions carieuses radiculaires existantes. Ils ont pour but de faire passer les lésions actives (lésions molles, recouvertes de plaque) à un état (lésions dures, exemptes de plaque). Ces lésions inac- tives doivent être considérées comme des « cicatrices » qui ne nécessitent pas de traitement supplémentaire. En ce qui concerne les lésions facile- ment accessibles, une mesure simple et efficace consiste à les brosser consciencieusement dans le cadre de l’hygiène bucco-dentaire quotidienne. L’élimination régulière du biofilm ca- riogène permet de faire passer la lésion à un état inactif. Les patients à haut risque doivent se brosser les dents avec un dentifrice fortement fluoré (5000 ppm de fluorures). L’application de vernis fluoré ou de fluorure de diamine d’argent au cabi- net dentaire est également recom- mandée pour le traitement des caries radiculaires, mais il convient toutefois de noter que le fluorure de diamine d’argent peut causer des colorations noires irréversibles sur les surfaces traitées. Certaines lésions nécessitent cependant un traitement par une ap- proche restauratrice qui est évoquée, ainsi que les différentes options de matériaux disponibles pour cette indi- cation, dans la section suivante. Difficultés rencontrées lors du traitement de restauration Comme il a été expliqué, les lé- sions carieuses radiculaires diffèrent des caries de la couronne sur le plan pathogénique, mais aussi sur le plan morphologique. Par conséquent, les concepts classiques du traitement de restauration effectué dans le cadre de caries de la couronne sont moins efficaces, voire totalement irréali- sables en cas de caries radiculaires. Les lésions carieuses radiculaires peuvent être situées dans des zones difficilement accessibles telles que les espaces interproximaux, et leur restauration peut donc nécessiter le sacrifice d’une grande quantité de tissus dentaires sains. Ces problèmes sont à l’origine de la survie souvent plus courte des restaurations des lésions carieuses radiculaires par rapport aux restaurations coronaires. Très souvent, le traitement de patients âgés, qui représentent le principal groupe à risque, pose aussi des difficultés. De nombreux patients de ce groupe ne sont pas pleinement en mesure de subir un traitement. Les limitations de mobilité, surtout chez les patients dépendants, peuvent nécessiter des soins en dehors du cabinet dentaire. L’utilisation des dispositifs et maté- riaux dont dispose le cabinet dentaire est par conséquent fortement limitée pour le traitement de ces patients. Matériaux de restauration des caries radiculaires Différentes catégories de maté- riaux sont disponibles pour restaurer les lésions radiculaires : 1. résines composites ; 2. verres ionomères classiques et leur dernière génération, les verres hybrides ; 3. matériaux combinant les propriétés des deux classes de matériaux précédentes, tels que les verres ionomères modifiés par adjonction de résine. Les résines composites microhy- brides et nanohybrides sont dotées d’excellentes propriétés physiques, notamment d’une grande résistance à l’abrasion et à l’érosion, d’une résis- tance élevée à la flexion, d’une bonne aptitude au polissage, et de qualités esthétiques. De plus, ces matériaux peuvent être mis en place par une technique adhésive qui permet des traitements dentaires minimalement invasifs. La mise en place des résines composites nécessite notamment un contrôle très strict de l’humidité – dont l’obtention est généralement difficile en cas de caries radiculaires – et exige un processus en plusieurs étapes comme un mordançage à l’acide et l’application de produits adhésifs. Ces dernières années, les fabricants se sont efforcés de simplifier ce processus, notamment en combi- nant les étapes de mordançage et d’application de l’adhésif, mais la mise en œuvre – en particulier dans les zones juxta-gingivales ou sous-gingivales – reste toutefois techniquement com- plexe (Fig. 2). Alors que seules les dernières générations de ciments verres ionomères (CVI) sont de plus en plus utilisées pour restaurer les cavités soumises aux contraintes, cette classe de matériaux a toujours été une solution valable pour les lésions cervicales (car les problèmes liés à l’abrasion et aux contraintes sont moins importants qu’au niveau des surfaces occlusales et proximales). Les verres ionomères modifiés par adjonc- tion de résine ont tout particulièrement montré un taux de survie élevé dans les lésions cervicales (il convient toutefois de noter que de nombreuses études les évaluaient dans des lésions non carieuses). La dernière génération de matériaux, dénommée verres hybrides (Fig. 3), se caractérise par une grande stabilité à l’abrasion et à l’érosion, et par une meilleure résistance à la flexion. Ces propriétés sont dues à des modifications de la composition chimique du matériau, principalement à l’ajout d’une phase vitreuse consti- tuée de particules plus petites et de chaînes d’acide acrylique plus longues. Une étape supplémentaire de revête- ment avec une nanorésine donne à la surface de verre un aspect plus lisse et esthétique. Plusieurs études menées en laboratoire ont confirmé que les verres hybrides présentent en effet des propriétés nettement supérieures à celles de leurs prédécesseurs, tout en continuant à offrir les mêmes avan- tages, c’est-à-dire la facilité de la mise en place et la bioactivité, en particulier la libération de fluorure – un aspect pertinent pour la protection contre les caries radiculaires secondaires. D’autres études ont démontré que les CVI ré- duisent le risque carieux au niveau des limites marginales de la restauration sur une distance allant jusqu’à 300 μm. Une zone intermédiaire résistante aux acides, constituée de calcium dissous provenant des tissus dentaires et du fluor libéré par le matériau, est en outre susceptible d’augmenter la résistance contre les lésions secon- daires.8 Données cliniques Il existe très peu de données sur les matériaux de restauration des lésions radiculaires. Les données com- paratives sont particulièrement rares. La plupart des études indiquent qu’à l’exception de la forme anatomique et de la concordance des teintes (où les verres ionomères peuvent poser plus de difficultés), et des lésions se- condaires (où les composites peuvent accroître le risque), le risque d’échec est similaire entre les verres iono- mères et les composites. En général, le risque d’échec de la restauration est relativement élevé pour cette indi- cation. Il s’est également avéré que le risque carieux peut modifier la proba- bilité d’échec, les composites présentant des échecs plus fréquents, principale- ment dans les caries secondaires, chez les personnes à haut risque.6, 8, 9 En ce qui concerne les verres hy- brides, les seules données disponibles sont des études randomisées qui ont comparé ce matériau avec les résines composites dans les lésions non ca- rieuses (Fig. 4). L’étude la plus intéres- sante concernant les caries radicu- laires est celle qui a évalué un verre hybride (EQUIA Forte, GC) par rapport à des restaurations en résine compo- site (Filtek Supreme XTE, 3M) pour le traitement de lésions radiculaires non carieuses présentant une dentine sclérotique chez 88 patients d’âge moyen et plus avancé (50 à 70 ans).10 Une évaluation de la survie, de la qua- lité et des coûts de 92 restaurations, mises en place sans aucune prépara- tion mécanique (ayant finalement en- traîné des taux d’échec annuels élevés pour les deux groupes) a été réalisée sur une durée de 36 mois. La qualité des restaurations a été évaluée après 1, 18 et 36 mois selon les critères de la Fédération dentaire internationale (FDI). Les coûts ont été évalués à l’aide d’une approche reposant sur le micro- costing (comptabilisation du temps utilisé pour la mise en place du matériau) et, pendant le suivi, sur les prestations de l’assurance maladie obligatoire en Allemagne. Après 36 mois, une perte totale de rétention a été constatée pour 17 verres hybrides et 19 résines composites, et une perte partielle pour 5 verres hybrides. Les coûts liés aux verres hybrides étaient nettement inférieurs, tant au début de l’étude (verres hybrides : 32,57 euros [écart type 16,36 euros] par rapport aux résines composites : 44,25 euros [écart type 21,40 euros]) et sur toute la période de suivi (verres hybrides : 41,72 euros [écart type 25,08 euros] par rapport aux résines composites : 51,60 euros [écart type 26,17 euros]). Conclusion les invasifs et aux lésions radiculaires, Compte tenu de leurs meilleures propriétés biomécaniques, de leur rapport coût-efficacité et de leur ca- ractère plus tolérant vis-à-vis des complications généralement induites par les verres hybrides peuvent offrir une excellente solution de restauration. Néanmoins, il est nécessaire d’obtenir davantage de données cliniques sur le traitement des lésions carieuses radi- culaires. À l’avenir, plus d’attention devrait être accordée aux mesures de prévention, aux traitements non ma tériaux bioactifs, notamment l’utili- sation d’argent, dont le fluorure d e d i a m i n e d’argent pour modifier les lé- sions. Jusqu’à présent, ces as- pects ne disposent toutefois d’aucune donnée clinique. Références 1 Takahashi N, Nyvad B. The Role of Bacteria in the Caries Process: Ecological Perspectives. J Dent Res. 2011 Mar;90(3):294–303. 2 Schwendicke F, Splieth C, Breschi L, Banerjee A, Fontana M, Paris S, Burrow MF, Crombie F, Page LF, Gaton-Hernandez P, Giacaman R, Gugnani N, Hickel R, Jordan RA, Leal S, Lo E, Tassery H, Thomson WM, Manton DJ. When to intervene in the caries process? An expert Delphi consensus statement, Clin Oral Investi. 2019 Oct;23(10):3691–703. 3 Jordan AR, Krois J, Schiffner U, Micheelis M, Schwendicke F. Trends in caries experience in the permanent dentition in Germany 1997–2030: Morbidity shifts in an ageing society. 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Caries Res. 2020 Dec 8; 54(5-6):1–7. 8 Tonprasong W, Inokoshi M, Shimizubata M, Yamamoto M, Hatano K, Minakuchi S. Impact of direct restorative dental materials on sur- face root caries treatment. Evidence based and current materials development: A systematic review. Jpn Dent Sci Rev. 2022 Nov;58:13–30. 9 Pilcher L, Pahlke S, Urquhart O, O’Brien KK, Dhar V, Fontana M, González-Cabezas C, Keels MA, Mascarenhas AK, Nascimento MM, Platt JA, Sabino GJ, Slayton RL, Tinanoff N, Young DA, Zero DT, Tampi MP, Purnell D, Salazar J, Megremis S, Bienek D, Carrasco-Labra A. Direct materials for restoring caries lesions: Systematic review and meta-analysis-a report of the American Dental Association Council on Scientific Affairs. J Am Dent Asso. 2023 Feb; 154(2):e1-e98. doi: 10.1016/j.adaj.2022.09.012. Epub 2023 Jan 5. 10 Schwendicke F, Müller A, Seifert T, Jeggle- Engbert LM, Paris S, Göstemeyer G. Glass hybrid versus composite for non-carious cervical lesions: Survival, restoration quality and costs in randomized controlled trial after 3 years. J Dent. 2021 Jul:110:103689. Note de la rédaction : Cet article a été initialement publié dans Le GC – GET CONNECTED-21, de janvier – juin 2024. Pr Falk Schwendicke de est professeur et responsable du département de diagnostic oral, santé numérique et re- cherche en services de santé. Il fait preuve d’un parcours d’excellence clinique et scien- tifique dans le domaine du diagnostic ainsi que la dentisterie préventive, opéra- toire et factuelle. Les centres d’in- térêt du profes- seur Schwendicke sont principale- ment les diagnos- tics dentaires et l’intelligence artifi- cielle, l’économie de la santé et la recherche sur les services de santé, la dentisterie restauratrice et préventive, et la santé publique. Il est l’auteur de plus de 500 articles, 200 résumés et 30 chapitres de livres. Le professeur Schwendicke a reçu de nombreuses récom- penses prestigieuses et est membre du comité de lecture de plus de 40 revues, dont Lancet et le New England Journal of Medicine, ainsi que de divers organismes de financement na- tionaux (DFG, BMBF, Fonds pour l’innovation). Il est rédacteur en chef adjoint du Journal of Dental Research et préside des groupes de travail à l’Organisa- tion mondiale de la santé (OMS), à la Fédération dentaire inte- rnationale (FDI), à l’Organisation internationale de normalisation (ISO) et à l’institut allemand de normalisation (DIN). Le pro- fesseur Schwendicke est pro- fesseur honoraire à l’université d’Aarhus (Danemark) et l’univer- sité de Chennai (Inde). Depuis de nombreuses années, il est l’un des chercheurs en den- tisterie les plus cités au monde (liste de l’université de Stanford comprenant moins de 1 % des scientifiques les plus influents).