Paro Tribune Édition Française | 1/2024 MES INDISPENSABLES 11 certains problèmes spécifiques, comme indiqué en détail dans la figure 3. Bien entendu, la recherche n’a pas pour objectif d’être épidé- miologique, mais vise à évaluer d’un point de vue plus sociologique la perception de certains symptômes et les comportements qui en dé- coulent. Tout cela dépend égale- ment énormément de la sensibilité des répondants, de la perception de la gravité des symptômes et, dans cette optique, les différences, sou- vent culturelles, d’un pays à l’autre doivent également être prises en compte. Passons maintenant aux symp- tômes déclarés par l’échantillon de population française interrogée, à travers la question : « Souffrez- vous ou avez-vous déjà souffert de l’un de ces symptômes ? » et com- mentons les réponses. Avant d’analyser les résultats, il faut rappeler une fois de plus que l’échantillon de l’étude concerne une tranche d’âge allant de 35 à 74 ans, parmi lesquels seulement 26 % des personnes interrogées ont déclaré ne présenter aucun des symptômes indiqués. Ce pourcen- tage ne varie pas significativement en fonction de l’âge des participants, mais il diminue considérablement dans les segments de population moins éduqués et plus pauvres, où huit personnes sur dix déclarent des symptômes pouvant être liés à des problèmes parodontaux. Cependant, il convient de noter que tous les symptômes observés dans l’échantillon ne peuvent pas être directement associés à une parodontite ou gingivite possibles. En collaboration avec des cliniciens spécialisés dans le domaine paro- dontal, trois symptômes clés ont été identifiés comme indicateurs d’une « affection parodontale possible ». En pratique, les cas indiquant une récession gingivale, une mobilité dentaire ou des in- fections gingivales ont été notés comme symptômes. La présence d’au moins l’un de ces symptômes (souvent observés en association, notamment la récession gingivale et la mobilité dentaire) a conduit à la définition d’une « condition parodon- tale possible », indiquée par la barre inférieure de la figure 3, montrant que 40 % de l’échantillon présente une affection parodontale poten- tielle. Il s’agit d’une donnée très importante, indiquant que pro- bablement plusieurs millions de Français souffrent ou pourraient souffrir de problèmes parodontaux. Ces chiffres sont cohérents avec les données de la littérature scien- tifique, confirmant l’incidence de la parodontite, considérée comme l’une des maladies les plus répandues dans le monde. Bien que la recherche ait des objectifs d’analyse sociale, il est inté- ressant de constater que l’incidence d’une éventuelle maladie parodon- tale correspond également à ce que nous savons du point de vue scien- tifique, à savoir une incidence pro- gressivement plus élevée avec l’âge, en particulier après 45 ans, chez les populations les plus pauvres et en présence de mauvaises habitudes (notamment le tabagisme), avec une incidence de maladie parodontale (auto-déclarée) dépassant 53 % chez les fumeurs réguliers. En tenant compte du pour- centage élevé de personnes ayant signalé des symptômes potentielle- ment liés à une condition parodon- tale et ayant consulté un dentiste pour un contrôle, l’étude a égale- ment approfondi la proportion de l’échantillon ayant reçu un diag- nostic de parodontite de la part du dentiste : au total, cela concerne 11 % des participants en France, ce qui est nettement inférieur à la moyenne européenne obtenue dans cette étude (17 %). En restant en France, le taux de diagnostic de parodontite s’élève à 24 % si l’on considère les patients de l’échantil- lon qui pourraient être associés à une condition parodontale possible sur la base des symptômes rap- portés. Cependant, ce pourcentage est assez hétérogène en Europe, avec des pays comme le Royaume-Uni où seulement 6 % des participants ont 3 un diagnostic de parodontite, ou l’Allemagne où environ 30 % de l’échantillon a reçu un diagnostic de la maladie. Cette dernière donnée explique peut-être la forte visibilité de la maladie en Allemagne, connue des deux tiers des participants. La recherche internationale montre également l’importance des canaux de communication liés à la connaissance de la parodontite, à travers la question suivante : « Avez- vous déjà entendu parler de la paro- dontite dans les médias suivants ? ». En particulier, en France, les médias de masse (radio et télévision) et les brochures d’information dans les cabinets dentaires sont les plus pertinents. Cependant, de manière générale, il semble que l’on parle assez peu de parodontologie dans les médias, ce qui pourrait expliquer en partie la connaissance limitée de cette maladie. Mais les Français, du moins selon les réponses de l’échantillon, semblent intéressés à en savoir 4 plus, au point que seulement 9 % se déclarent entièrement satisfaits de l’information sur les gencives fournie par les médias (note de 9 et 10 sur une échelle de 1 à 10) et que 63 % se déclarent insatisfaits. La recherche, très approfondie, a également examiné d’autres as- pects liés à la santé buccale, à la perception des pathologies, aux attitudes, etc. Ce qui a le plus frappé les chercheurs, cependant, est l’hétérogénéité flagrante de la conscience de sa propre santé buc- cale dans la population, ainsi que les différences presque dichotomiques de sensibilité et de proximité avec les problèmes dentaires entre dif- férents segments sociodémogra- phiques. Une situation qui suggère qu’un système structuré d’infor- mation et d’éducation, éventuelle- ment axé sur les segments socio- économiques les plus défavorisés de la population, pourrait conduire à d’énormes résultats en termes de prévention. C’est pourquoi nous avons voulu demander au professeur Graziani (professeur de parodontologie à l’université de Pise, professeur honoraire de parodontologie de l’University College de Londres et ancien président de la Fédération européenne de parodontologie), qui s’est beaucoup intéressé à cette recherche, quelles sont les premières conclusions que l’on peut tirer de l’enquête et quel rôle la recherche sociale devrait jouer, en étudiant l’expérience, la perception, les atti- tudes et les comportements en sou- tien de la recherche scientifique et de la pratique clinique. Selon le professeur Graziani, L’action des sociétés scientifiques et des institutions pour accroître la sensibilisation à la maladie sera énormément importante. En même temps, nous devons nous rendre compte que par le passé, le pourcen- tage de la population consciente de la parodontite était certainement plus bas, et c’est la preuve tangible du travail accompli jusqu’à présent par les institutions et les dentistes qui communiquent avec tous leurs patients. Mais la réflexion finale est : que se passe-t-il du point de vue dentaire pour la moitié de la popu- lation européenne qui ne sait tou- jours pas ce qu’est la parodontite et ignore même qu’elle peut être traitée. C’est surtout la « non-perception » du symptôme qui devrait nous faire réfléchir. Évidemment, pour la grande majorité de la population, le saignement des gencives ou d’autres symptômes ne sont pas nécessairement un motif d’alarme, car un patient sur deux peut effec- tivement avoir besoin d’un examen immédiat et éventuellement d’un traitement. Le coût biologique et social d’une faible sensibilisation à la paro- dontite est énorme, et les dom- mages d’une parodontite non trai- tée sont suffisants pour s’en rendre compte. Les coûts sociaux et per- sonnels, ainsi que les dommages évidents à la santé buccale et, dans une large mesure, systémique, ne doivent pas être négligés. Les résultats de cette enquête sont uniques et nous permettent de mettre en œuvre des stratégies efficaces à l’échelle européenne. De plus, lors de la consultation individuelle, le praticien devrait veil- ler à communiquer l’importance du symptôme (« il n’est pas normal que les gencives saignent ») et de sa présence. Cela pourrait également conduire à un retour « vertueux » en termes de nouveaux patients et de développement de l’activité clinique, grâce à un bouche-à-oreille très positif. En conclusion, nous pouvons affirmer que l’enquête sociologique au service du monde clinique et de la recherche scientifique permet de mesurer le degré de conscience de la population, les comportements et la symptomatologie perçue, pour une plus grande efficacité dans l’activité indispensable d’éducation de la population par la communauté scientifique et les institutions.