16 RECHERCHE Parodontologie Tribune Édition Française | Mars 2021 sionnel de mandibule murine.99 Le motif or- thogonal de microcanaux de la partie des- modontale a mené à la formation de liga- ments d’ancrage orientés reliant le cément et l’os alvéolaire.99, 100 L’architecture des fibres desmodontales « guidées » a permis de maîtriser l’infiltration du tissu et de par- venir à une organisation optimale des deux interfaces du desmodonte. La connaissance acquise a ensuite été appliquée au traite- ment d’un cas de reconstruction parodon- tale par « flux de travail numérique ».101 À la suite de la CBCT de la zone lésée, un fichier au format STL a été créé et utilisé pour mo- déliser le défaut osseux avec les canaux des- modontaux guidés. La PCL a été combinée avec de l’hydroxyapatite et imprimée en 3D. La construction a en outre été submergée dans un milieu contenant le facteur de croissance dérivé de plaquettes BB (PDGF- BB). Le site traité est resté intact pendant une année, après quoi, la construction a pré- senté des problèmes et a été éliminée. Une recherche plus approfondie sur l’améliora- tion des « piliers » guidés du desmodonte a identifié des motifs hiérarchiques à moyenne et microéchelle permettant l’ali- gnement des cellules pour former plus pré- cisément le desmodonte.102 Une approche adoptée par un autre groupe a consisté à utiliser un échafaudage triphasique de PCL/ hydroxyapatite imprimé en 3D, représen- tant le cément, le desmodonte et l’os alvéo- laire, chacune des phases étant chargée avec les trois types cellulaires correspondants et supplémentée ponctuellement par des fac- teurs de croissance.103 L’implantation in vivo a produit des fibres de collagène alignées, comparables au desmodonte, qui s’insé- raient dans les tissus osseux, cémentaires et dentinaires. Cette méthode fait figure de stratégie de régénération de tissus parodon- taux multiphasiques par l’apport spatio- temporel de divers types de cellules et de protéines de signalisation. Dans l’ensemble, ces études démontrent le potentiel de l’im- pression 3D pour produire des échafau- dages parodontaux sur mesure aux fins de régénération d’interfaces multitissulaires requises pour les applications d’ingénierie orale, dentaire et même cranio-faciale. 5. Biomatériaux utilisés pour l’impression 3D des tissus oraux Les échafaudages produits à partir de bio- matériaux offrent un support mécanique initial qui peut être peuplé par des cellules, capables d’adhésion et de différenciation pour favoriser la régénération tissulaire AD guidée (RTG). La majorité des matériaux de base qui entrent dans la fabrication addi- tive, et sont utilisés à des fins dentaires et médicales, peuvent être regroupés dans des combinaisons de liants et de poudres, no- tamment des polymères (résines et ther- moplastiques), des céramiques et des mé- taux.104 Les biomatériaux utilisés pour la fa- brication de tissus peuvent être générale- ment répartis en composés inorganiques, principalement utilisés pour la régénéra- tion osseuse, et en composés organiques, principalement utilisés pour la régénéra- tion des tissus mous. Les biomatériaux inorganiques doivent posséder une stabilité mécanique, se résorber lentement, et ne pas induire une réaction inflammatoire.105 L’hydroxyapatite est stœchiométriquement similaire à la phase minérale de l’os naturel et garantit la biocompatibilité, avec une faible résistance mécanique et une longue durée de résorption. Le phosphate de cal- cium se lie chimiquement à l’os, est plus simple à fabriquer pour obtenir les formes souhaitées, et se résorbe plus rapidement que l’hydroxyapatite.106 Contrairement à l’hydroxyapatite et au phosphate de cal- cium, la production de bioverre permet l’ob- tention d’une composition extrêmement polyvalente permettant la maîtrise du taux de résorption, de la modulation de la migra- tion cellulaire et de la revascularisation des tissus.107 Les biomatériaux organiques sont des polymères d’origine naturelle, tels que l’agarose, l’alginate, le collagène, la gélatine, le chitosan, la fibrine, ou d’origine synthé- tique, tels que l’acide polylactique (PLA), l’acide polyglycolique (PGA), l’acide polylac- tique-co-glycolique (PLGA), et la polycapro- lactone (PCL).106 Les hydrogels utilisés pour la régénération des tissus mous peuvent être des polymères polymérisables, produi- sant des échafaudages mécaniquement so- lides lors de la solidification, ou des hydro- gels mous injectables. Les deux types peuvent être combinés avec des cellules ; dans le premier cas, les cellules sont ense- mencées après la polymérisation pour évi- ter des conditions difficiles d’impression/de solidification ; dans le second cas, les cel- lules sont incorporées dans l’encre biolo- gique durant l’impression (bio-impression). Une membrane barrière hybride a été pro- duite récemment par impression 3D aux fins de régénération tissulaire guidée en combinant de la gélatine (pour l’adhésion cellulaire), de l’élastine (pour la stabilité et l’élasticité membranaire à long terme) et de l’hyaluronate de sodium (pour la signalisa- tion cellulaire). La membrane a ensuite été soumise à une réticulation par 1-éthyl-3- (3-diméthylaminopropyl)carbodiimide (EDC).108 La membrane présente une face pourvue de petits pores et une face pourvue de grands pores pour accueillir de part et d’autre les populations d’ostéoblastes, de fibroblastes et de kératinocytes. L’analyse in vitro a démontré une biocompatibilité, une résistance mécanique, des taux de dégrada- tion ainsi qu’un module d’élasticité offrant une facilité de manipulation chirurgicale. (PEG) ou diverses Les hydrogels sont capables d’absorber et de conserver de grandes quantités d’eau. Ils peuvent être classés en hydrogels d’origine naturelle, tels que l’agarose, l’alginate, la fi- brine, le collagène de type I, le chitosan, la gélatine, l’acide hyaluronique, le Matrigel, et hydrogels d’origine synthétique tels que le poloxamère Pluronic-127, le polyéthylène glycol formulations de gélatine (GelMA), d’acide hyaluronique (HAMA), de fibroïne de soie (SilMA) et de pectine (PECMA) combinées avec du méthacrylate.1, 106, 109, 110 L’aptitude à la bio- impression des hydrogels est régie par leurs propriétés rhéologiques et la modalité cible de bio-impression, et trois techniques de bio-impression sont possibles : extrusion, gouttelettes d’encre biologique et laser (transfert des cellules ou photopolymérisa- tion).110 Deux techniques d’impression, bio- impression par extrusion pour les hydro- gels d’encapsulation de cellules et par électro-impression de matériau à l’état fondu pour fibres alignées à l’échelle sous- micrométrique, ont été réunies pour pro- duire une construction mécaniquement stable avec des cellules viables.111 La gélifica- tion des encres biologiques peut être obtenue par réticulation physique (tempé- rature, (glutaraldéhyde, génipine, photopolymérisation induite par rayonnement) ou enzymatique (throm- bine). En raison de forte perméabilité des hydrogels à l’oxygène, aux nutriments et autres composés hydrosolubles, ils sont considérés comme des matériaux d’intérêt pour la fabrication de constructions tissu- laires. Un autre avantage notable de l’im- pression 3D avec les hydrogels est la facilité d’y intégrer des agents bioactifs.112 La pré- sence de ces molécules de signalisation peut fournir les instructions nécessaires aux cel- lules présentes dans le tissu hôte ou aux cel- lules apportées de l’extérieur pour faciliter la régénération tissulaire. Les encres biolo- giques ont également été produites à partir de composants de matrices décellularisées, de cellulose ou de soie.31 Les encres biolo- giques dérivées des matrices extracellu- ions), chimique PRINT EVENTS EDUCATION DIGITAL Dental Tribune International The World's SERVICES Largest Dental Marketplace www.dental-tribune.com laires décellularisées offrent des avantages majeurs : elles contiennent tous les compo- sants tissulaires préservés dans les bonnes proportions, et tous les facteurs de signali- sation spécifiques des tissus, ce qui procure donc un environnement optimal pour les instructions concernant la migration des cellules, leur prolifération et leur différen- ciation.113 Ces encres biologiques ont été bio-imprimées très efficacement dans en tissu hépatique, cardiaque, cutané, cartilagi- neux et musculo-squelettique de porc, et en tissu adipeux humain.114, 115 6. Régénération des tissus mous oraux : traitements actuels et limitations Les tissus mous oraux jouent un rôle im- portant dans la structure et la fonction de la cavité orale. La muqueuse buccale tapisse l’intérieur de la cavité orale et comprend : (1) la muqueuse masticatoire (gencive et ta- pisse le palais dur), (2) la muqueuse spéciali- sée (tapisse la langue), et (3) la muqueuse bordante.80 La gencive fait partie de la mu- queuse masticatoire, et tapisse l’os alvéo- laire et les dents environnantes. Sur le plan de sa structure, elle est constituée de l’épithélium buccal et du tissu conjonctif sous-jacent, la lamina propria. La muqueuse alvéolaire non attachée est composée d’un mince épithélium pavimenteux stratifié, non kératinisé et des fibres de collagène peu nombreuses. Par contre, la muqueuse atta- chée contient un épithélium pavimenteux épais, kératinisé, et des fibres de collagène denses et bien organisées. Le palais dur et la gencive attachée représentent le type kéra- tinisé de muqueuse attachée. Celle-ci est in- dispensable pour le maintien des dents, du desmodonte et des implants dentaires. Elle forme une barrière protectrice contre les agents extérieurs nocifs tels que les patho- gènes, les produits chimiques, et contre l’abrasion permanente.116 Une quantité in- suffisante de muqueuse buccale due à une récession gingivale, des infections, un trau- matisme et des tumeurs nécessite une re- construction. Une augmentation des tissus mous est souvent pratiquée pour compen- ser la réduction ou la perte tissulaire chez les patients édentés, pour recouvrir une ra- cine exposée ou un implant, pour augmen- ter l’épaisseur du tissu mou muqueux vesti- bulaire ou la hauteur du tissu mou au ni- veau de l’émergence de la surface coro- naire.117, 118 Le traitement choisi doit tenir compte de la fonction masticatoire, l’élocu- tion et l’esthétique. L’emplacement et le be- soin dictent les diverses techniques utili- sées, qui reposent le plus souvent sur les greffes de tissus autologues. Pour l’augmen- tation du volume des tissus mous, une greffe de tissu conjonctif sous-épithéliale produit un meilleur résultat clinique qu’une greffe de gencive libre, et elle est pratiquée au niveau des sites implantaires ou chez des patients partiellement édentés.117, 119 Cepen- dant le recours à une greffe de tissu auto- logue présente plusieurs désavantages et li- mitations : la hauteur, la longueur et l’épais- seur du palais dépendent de la position ana- tomique et varient entre les patients ; la technique de prélèvement est un acte chirurgical difficile, seule une quantité limi- tée de tissu peu être obtenue par interven- tion, et les patients souffrent longtemps de douleurs et d’insensibilité après l’interven- tion.120–124 Pour diminuer la morbidité causée par le prélèvement du greffon, on a tenté de trouver des substituts de tissu mou.125, 126 Les critères qui entrent en jeu dans une greffe allogénique idéale visant à une augmentation des tissus mous sont no- tamment la biocompatibilité, le volume et