ENDO TRIBUNE The World’s Endodontics Newspaper · Édition Française OCTOBRE 2020 | VOL. 12, NO. 10 www.dental-tribune.fr Développement d’un algorithme d’apprentissage profond pour la détection des pathologies péri- apicales sur les radiographies dentaires Michael G. Endres,1 Florian Hillen,1, 2 Marios Salloumis,3 Ahmad R. Sedagha,4 Stefan M. Niehues,5 Olivia Quatela,6 Henning Hanken,6 Ralf Smeets,6 Benedicta Beck-Broichsitter,3 Carsten Rendenbach,3 Karim Lakhani,1, 7 Max Heiland3 et Robert A. Gaudin1, 3 1. Introduction Les radiographies panoramiques den- taires (RPD) sont un outil diagnostique cou- rant et une modalité d’imagerie standard qui est souvent utilisée dans la routine cli- nique par les chirurgiens-dentistes et les chirurgiens buccaux et maxillo-faciaux (BMF).1, 3 Bien que, dans certains cas, l’évalua- tion des RPD puisse être confiée à des radio- logues, les chirurgiens BMF lisent souvent eux-mêmes leurs propres radiographies. Une recherche antérieure a montré que la formation du praticien joue un rôle essen- tiel dans l’interprétation correcte de l’ima- gerie médicale.4 Dans le domaine dentaire particulièrement, les variations du pourcen- tage de concordance (une approximation de la performance diagnostique) entre les éva- luations radiologiques des professionnels de la santé bucco-dentaire semblent être en partie dues aux connaissances, compé- tences et subjectivités individuelles.5, 6 La va- riabilité des aptitudes des professionnels de la santé bucco-dentaire à la lecture des RPD ouvre toute grande la porte au mauvais diagnostic ou au traitement inapproprié.7, 8 Par exemple, une recherche récente a mon- tré que le pourcentage de mauvais diagnos- tic de la profondeur des caries basé sur la lecture d’une radiographie classique par les chirurgiens-dentistes s’élevait à 40 pour cent, et dans 20 pour cent des cas, le diagnostic de pathologie dentaire était erro- né.9, 10 Dans le secteur médical, une recherche très récente a porté sur le développement d’outils diagnostiques et thérapeutiques utilisant l’intelligence artificielle (AI) pour étayer le processus de prise de décision cli- nique.11, 14 Jusqu’à présent, l’AI a été intro- duite et utilisée dans de nombreux do- maines cliniques tels que la radiologie,12, 15, 16 la pathologie,17–19 la dermatologie20 et l’oph- talmologie21, 22 pour faciliter la détection d’une maladie et la formulation des recom- mandations subséquentes sur les options de traitement. Des algorithmes d’intelli- gence artificielle ont également été dévelop- pés pour la segmentation d’images médi- cales à des fins thérapeutiques, telles que la délinéation des tumeurs de la tête et du cou permettant un meilleur ciblage de la radio- thérapie.23 Les recherches antérieures sur les diagnostics assistés par ordinateur en den- tisterie et chirurgie BMF sont limitées. Ces études portaient sur la détection des caries au moyen des radiographies rétrocoro- naires ainsi que sur la segmentation des dents et les calculs d’ancrages orthodon- tiques.24–27 Le seul outil actuellement ap- prouvé par la FDA (Food and Drug Adminis- tration) des États-Unis, le logiciel Logicon Caries Detector, a été introduit en 1998, et il ne sert qu’à la détection et au diagnostic précis de la profondeur des lésions carieuses interproximales.28 La détection des radioclartés sur un RPD est une tâche courante pour les chirurgiens BMF.29 En fait, la prévalence des radioclartés périapicales sur les images radiographiques obtenues dans les services dentaires de consultation externe est approximative- ment de neuf à dix pour cent.29–31 La pré- sence de radioclartés périapicales peut re- fléter des pathologies anodines ou graves des dents, notamment une infection (envi- ron 55 à 70 % des radioclartés), un kyste (25 à 40 % des radioclartés), un granulome (1 à 2 % des radioclartés) et une tumeur.29–31 Le diagnostic tardif de ces radioclartés périapi- cales peut mener à une propagation de la pathologie aux tissus adjacents, à des com- plications et à un état morbide chez les pa- tients.32 Bien que de nombreux chirurgiens- dentistes et chirurgiens BMF lisent eux- mêmes leurs RPD, très peu de recherches ont été menées pour évaluer leur précision pour identifier les radioclartés périapicales. Dans cette étude, nous avons évalué la dé- tection des radioclartés périapicales sur les RPD. Nous avons examiné la compétence des chirurgiens BMF à identifier la présence de ces radioclartés sur les RPD. De plus, nous avons fait appel à l’apprentissage profond pour développer un algorithme analytique d’images susceptible de contribuer à la dé- tection des radioclartés périapicales sur les POG dans les cabinets dentaires, et nous avons comparé sa performance avec celle des chirurgiens BMF. 2. Matériel et méthodes Les images utilisées dans cette étude pro- viennent des consultations externes du ser- vice de chirurgie buccale et maxillo-faciale, hôpital Charité, Berlin. Dans ce service de chirurgie buccale et maxillo-faciale, hôpital Charité, Berlin, les RPD représentent la mo- dalité d’imagerie standard en raison de leur excellente capacité diagnostique globale discriminatoire. Cette modalité donne en outre une bonne vue d’ensemble grâce à l’évaluation de toutes les dents et des struc- tures osseuses environnantes tout en mini- misant rayonnemen.33–35 Néanmoins, en radiologie endodontique, la norme générale de détection des radioclar- tés périapicales, particulièrement en ce qui concerne le diagnostic de parodontite api- les doses de cale, est toujours la radiographie périapi- cale.33 L’utilisation des images et la participation des chirurgiens BMF dans cette étude ont été approuvées par le comité d’éthique de la recherche de l’université Harvard (numéro de référence du comité : IRB17-0456 ; date d’approbation : 1er mai 2018 et de l’hôpital Charité, Berlin (numéro de référence du comité : EA2/030/18 ; date d’approbation : 15 mars 2018). Le consentement éclairé a été obtenu chez tous les chirurgiens BMF qui participaient à l’étude. Tous les procédés et tests ont été réalisés conformément aux lignes directrices et réglementations appli- cables (Déclaration d’Helsinki). L’annotation de tous les RPD a été effectuée dans des salles de radiologie standardisées compre- nant un système de surveillance radiolo- gique clinique connecté au système d’infor- mation informatisé de l’hôpital. Tous les chirurgiens BMF participants ont annoté les images par l’intermédiaire d’une applica- tion Web développée pour cette étude. 2.1. Évaluation de la fiabilité des diagnos- tics établis par les chirurgiens BMF quant à la présence de radioclartés périapicales sur les RPD Pour l’évaluation de la fiabilité des dia- gnostics de présence de radioclartés péria- picales sur les RPD lus par les chirurgiens BMF dans le cadre de la routine clinique, nous avons recruté 24 chirurgiens BMF (dix- huit dans le service de chirurgie buccale et maxillo-faciale, hôpital Charité, Berlin, trois dans le service de chirurgie buccale et maxillo-faciale, hôpital universitaire de Hambourg, Eppendorf, et trois dans des ca- binets dentaires privés pratiquant la chirur- gie BMF). Ces chirurgiens BMF représen- taient un échantillon aléatoire comprenant treize internes et onze praticiens traitants (six femmes et dix-huit hommes). Les chirurgiens BMF ont été chargés d’an- noter 102 RPD anonymisés quant à la pré- sence de radioclartés périapicales clinique- ment pertinentes (Tableau 1). Les caractéris- tiques servant de référence pour ces RPD avaient été établies par un chirurgien BMF indépendant de l’étude, possédant sept an- nées d’expérience, qui avait traité les 102 pa- tients associés à ces radiographies selon le protocole suivant : en premier lieu, prise et évaluation d’un RPD de la denture du pa- tient, puis enregistrement de toutes les ra- dioclartés détectées ; en second lieu, exa- men de chaque dent du patient pour détec- ter des pathologies périapicales clinique- ment pertinentes (p. ex., un abcès) à l’aide d’un test de vitalité pulpaire comprenant des tests thermiques et de percussion – une référence absolue de validation clinique de pathologies périapicales.7 En général, contrairement aux dents saines, les dents atteintes d’une pathologie périapicale ne ré- pondent à aucune méthode de test en rai- son de la perte de vitalité pulpaire. Par conséquent, plutôt que de se fier à la seule radiographie, le chirurgien BMF possédait des indices supplémentaires sur la probabi- lité que la radioclarté périapicale soit un ar- téfact ou soit associée à une pathologie. Lorsqu’une radioclarté n’avait pas été re- marquée par le chirurgien BMF mais qu’une pathologie périapicale était ensuite détec- tée par le test clinique, l’image radiogra- phique était évaluée une seconde fois pour déterminer si la radioclarté périapicale était visible ou pas, puis elle était enregistrée. 2.2. Développement d’un algorithme d’ap- prentissage profond pour la détection au- tomatique de radioclartés périapicales sur les RPD Nous avons développé notre modèle par une approche d’apprentissage supervisé, où la relation fonctionnelle entre l’entrée (c.-à-d., les images radiographiques) et le ré- sultat en sortie (c.-à-d., une liste des sites de radioclarté périapicale, et les scores de confiance correspondants) est « apprise » par entraînement sur des exemples fournis de données (images) annotées. Le processus requiert généralement plusieurs ensembles de données annotées : un ensemble de don- nées utilisé pour les besoins de l’entraîne- ment du modèle, un ensemble de données de validation utilisé pour déterminer si le modèle a fait l’objet d’un surapprentissage des données d’entraînement et pour sélec- tionner le meilleur modèle parmi plusieurs candidats, et un ensemble de données de test utilisé pour l’évaluation finale du mo- dèle sélectionné. Nous avons évalué notre modèle en comparant sa performance sur les mêmes 102 images annotées par les 24 chirurgiens BMF décrits dans la Section 1 de « Matériel et méthodes ». 2.3 Images radiographiques et annotations pour l’entraînement du modèle. L’ensemble de données d’entraînement, comprenant 3 240 images radiographiques, a été annoté par quatre chirurgiens BMF du même service des consultations externes (expérience allant de cinq à vingt années) en chirurgie buccale et maxillo-faciale, hôpital Charité, Berlin. Ils ont évalué visuellement les images, exemptes de toute information 1 Laboratory for innovation science (LISH), université Harvard ; 2 Institute for data, systems, and society (IDSS), Massachusetts Institute of Technology ; 3 Service de chirurgie buccale et maxillo-faciale, hôpital universitaire Charité - Universitätsmedizin Berlin attaché à l’université libre de Berlin (Humboldt - Universität) et Berlin Institute of Health ; 4 Service d’otolaryngologie - chirurgie cervicofaciale, College of Medicine - université de Cincinnati ; 5 Service de radiologie, hôpital universitaire Charité - Universitätsmedizin Berlin attaché à l’université libre de Berlin (Humboldt - Universität) et Berlin Institute of Health ; 6 Service de chirurgie buccale et maxillo-faciale, centre médical universitaire de Hambourg ; 7 Technology and operations management unit, Harvard Business School Correspondance : robert-andre.gaudin@charite.de