10 10 Dental Tribune Édition algérienne Dental Tribune Édition algérienne Décembre 2019-Janvier 2020 | Vol. 1, n°4 Décembre 2019 | Vol. 1, n°4 Clinique Préparer les cavités d’accès endodontique pour des résultats à long terme Dr L. Stephen Buchanan, États-Unis Les erreurs s’accumulent durant les interventions. C’est pourquoi le bâclage de l’accès au début d’un traitement des canaux radicu- laires (TCR) est encore plus dévas- tateur que, disons, des problèmes dus à une mauvaise adaptation d’un cône de gutta-percha juste avant de terminer le traitement. Vous ratez un canal et le cas va au tapis, même si la suite de l’inter- vention est menée magistrale- ment. Vous perforez la dent et, d’un coup, le titane commence à sembler mieux. Vous taillez d’énormes cavités d’accès et vous pouvez vous attendre à un nombre relativement important de frac- tures radiculaires dans les cinq années qui suivent le traitement. Bref, vous passez par-dessus le protocole d’accès en commençant l’instrumentation des canaux avant la création d’un trajet par- faitement lisse et droit jusqu’à chaque entrée canalaire, et vous le payez toujours cher à chaque fois qu’une lime, une aiguille d’irriga- tion, une sonde exploratrice, un cône de gutta-percha, une pointe de papier ou un fouloir est intro- duite dans un canal. Il s’agit là moins d’une critique que d’un humble témoignage des manières que les dents et leurs systèmes de canaux radiculaires ont trouvé pour m’apprendre, le plus souvent à la dure, à passer le temps nécessaire à créer des accès parfaits aux canaux, avant de ten- ter d’y travailler. Alors pourquoi dois-je toujours avoir une discus- sion avec moi-même avant de commencer chaque cavité d’accès — même encore après 35 ans — pour être certain de poser le pied là où il faut, afin de pouvoir m’aventurer plus loin sans dan- ger ? au-delà, dans les réparations plus lourdes, telles que l’ouverture du boîtier du cylindre, le rodage du cylindre, le remplacement du pis- ton puis le réassemblage du tout. Lorsqu’il s’était rendu compte que rien n’avancerait avant qu’il n’ait réussi à démonter le protège-car- ter, il avait fait du retrait de cette pièce une tâche unique et primor- diale, un exploit qui lui donnerait un contentement en soi, s’il parve- nait à l’accomplir dans les quelques prochaines heures. Il en est ainsi de l’endodontie. Dès que l’on a compris à quel point la qualité des préparations d’accès est essentielle à la poursuite du traitement, pénétrer dans un canal avant d’y assurer un trajet idéal apparaît pire que le crisse- ment des ongles sur un tableau noir. Aristote avait vu juste : L’excel- lence n’est pas un acte, mais une habitude. Et à présent, à quoi res- semblent les habitudes d’excel- lence de l’accès dans ce 21e siècle ? Zen et l’art de l’accès endo Ne pas planifier, c’est planifier l’échec Dans son livre « Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes », Robert Persig raconte l’épouvan- table irritation dont il avait été saisi en raison d’une tête de bou- lon défectueuse qui l’empêchait de démonter le protège-carter de sa moto, avant même de pouvoir la réparer. La remise en état ne pouvait continuer avant qu’il n’ait résolu ce problème de démontage. Il s’était pourtant fait à l’idée que le travail prendrait plusieurs jours. Alors, pourquoi cette rage devant cette impasse ? Il ne com- prenait pas. Plus il y réfléchissait, plus sa réaction instinctive le consternait, jusqu’au moment où il avait compris qu’il ne devait sa désorientation, qu’à une sous-es- timation de cette première partie du long processus de remise en état. En pensée, il était déjà résultats Dans son livre « The Checklist Ma- nifesto », Atul Gawande décrit l’importance d’une planification qui ne se limite pas simplement à ce qu’il faut faire, mais englobe chaque aspect dans le moindre dé- tail, du début à la fin, si l’on vise des constamment idéaux. L’imagerie préopératoire définit-elle avec précision les pro- blèmes anatomiques ? Le clinicien dispose-t-il des grossissements et de l’éclairage suffisants ? Les ins- truments de coupe sont-ils adé- quats et bien choisis ? Les empla- cements, les angles et les profon- deurs des orifices sont-ils bien dé- terminés, avant de commencer l’intervention ? Les longueurs de travail maximales garantissant la sécurité de l’intervention sont- elles indiquées sur les fraises utili- sées pour la préparation de 1 2 3 Fig. 1 : Incisive centrale supérieure avec cavité d’accès ovale allongée préparée près du bord incisif, suffisamment sous le cingulum, de faible largeur dans la dimension mésio-distale. (Photos : fournies par le Dr L. Stephen Buchanan, sauf indication contraire) | Fig. 2 : Prémolaire inférieure avec cavité d’accès ovale, allongée vers un seul canal radiculaire. À noter le décalage de la cavité d’accès vers les crêtes cuspidiennes vestibulaires d’appui et à courte distance de la cuspide guide linguale, mais centrée sur la structure radiculaire, comme le confirme le crampon pour digue en caoutchouc engagé dans la jonction amélo- cémentaire. | Fig. 3 : Préparation sagittale d’une molaire supérieure avec cavité d’accès inclinée en direction mésiale, parallèle à la face mésiale de la dent et à courte distance de la moitié distale de la dent. l’accès ? Des solutions pour traiter des canaux calcifiés qui s’op- posent à l’accès ont-elles été envi- sagées ? etc. En d’autres termes, la rengaine de E. Neumann « Quoi ? Moi, m’en faire ? » n’est pas de mise pendant cette phase critique. Inversement, lorsque le plan de traitement et la préparation d’une cavité d’accès idéale tiennent compte de chacun des aspects critiques, la suite de l’intervention se simplifie, au fur et à mesure que l’on approche de la fin. Imagerie radiographique Nous ne penserions même pas un traitement canalaire (TCR) sans l’invention de la radiographie dentaire par Röntgen. On peut donc invoquer sans trop exagérer la nécessité absolue d’une radio- graphie préopératoire parfaite. Une imagerie par rayons X préopé- ratoire idéale doit inclure un cli- ché en incidence orthogonale, qui sépare parfaitement les contacts mésiaux et distaux radiographie périapicale ou rétrocoronaire, puis au moins un cliché parfait, pris en incidence oblique, afin de capturer les données du plan Z (vestibulo-lingual) de la dent concernée. Dans ma pratique, un cliché des dents antérieures et des prémo- laires en incidence oblique mé- siale fonctionne très bien, car la capture de l’image est beaucoup plus facile sous cet angle que sous l’angle distal, et pour les dents an- térieures et les prémolaires, une incidence mésiale en dit autant de l’anatomie radiculaire, qu’une in- cidence distale. Dans les molaires, c’est différent. Dans ces dents, un cliché en incidence distale est de loin préférable à une prise en inci- dence oblique mésiale, qui en- traîne une superposition du corps de la racine et de la structure radi- culaire distale courbe. Une inci- dence distale par contre, projette l’extrémité apicale radiculaire la- téralement et la rend davantage visible sur la radiographie. Évidemment, l’endodontie bénéfi- cie d’un avantage indu grâce à l’imagerie tomographique volu- mique numérisée à faisceau co- nique (CBCT). S’il était dit que je pouvais disposer d’un microscope ou d’un scanner, mais pas des deux en même temps, je choisirais chaque fois l’imagerie tridimen- sionnelle (3D). Seule l’imagerie CBCT peut capturer la structure mésiale de la racine – l’image qui nous dévoile « la vie secrète des ca- naux radiculaires » – le plan vesti- bulo-lingual qui présente le ni- veau maximal de complexité ana- tomique. L’une des plus grandes satisfactions de posséder un scan- ner au cabinet dentaire, c’est avoir la certitude qu’il n’y a qu’un seul canal dans la racine mésiovestibu- laire d’une molaire supérieure avant de commencer le protocole d’accès. À l’opposé, l’une des frus- trations, mais rare, de cette tech- nologie, c’est lorsque le volume re- construit révèle deux ou trois ca- naux dans une racine, qui sem- blait n’en présenter qu’un seul à l’examen approfondi du clinicien. Le premier cadeau qu’offre l’ima- gerie CBCT au monde de l’endo- dontie est la révélation de tous les canaux présents dans une dent particulière. Le second cadeau est la possibilité de réduire fortement les dimensions de la cavité d’accès, car celle-ci n’est plus le poste 4a 4b Figs. 4a et b : Cavités d’accès réalisées dans une molaire préparée pour une couronne et requérant un traitement canalaire (à gauche). Radiographie postopératoire (à droite) montrant le résultat admirable de la mise en forme du canal radiculaire, du nettoyage et de l’obturation – malgré la dimension minimale de l’orifice d’accès. À noter le plafond de la cavité pulpaire qui subsiste largement. (Photos : fournies par le Dr Steve Baerg).