2 Dental Tribune édition belge Mars- avril 2019 Allongement coronaire chirurgical 2 3 p1» fasciale.3, 6, 9 Le but de cet article est de présenter un cas de sourire gin- gival qui a été pris en charge par un traitement combinant un allongement coronaire chirurgical (gingivoplastie) et l’injection de toxine botulinique. Étude de cas Le patient était une femme d’ascen- dance africaine âgée de 27 ans, très affectée par son sourire gingival (Fig. 1). Cliniquement, il existait une inhar- monie anatomique entre la longueur des dents antérieures et l’exposition du tissu gingival, supérieure à 3 mm, qui était la cause du sourire gingival (Fig. 2a). Une jauge de proportion de Chu (Hu-Friedy, Chicago, États-Unis) a été utilisée pour mesurer la longueur des dents (Fig. 2b). Le traitement proposé consistait en un allongement coronaire chirurgical (gingivoplastie) qui serait suivi, après la présentation des résultats, de l’injection de toxine botulinique pour corriger le sourire gingival. La patiente a toutefois été informée sur la réapparition du sourire gingival six mois après l’application, en raison de l’effet temporaire du pro- duit. Après une anesthésie locale par infiltration, une sonde millimétrique a permis de définir des points sanglants et la ligne passant par ces points a été marquée par électrocautérisation.2 La longueur des dents a été augmentée pour caractériser le zénith dentaire. En-suite, un curetage a été réalisé, un peu à la manière d’une gingivectomie à biseau externe, afin d’améliorer la cica- trisation des tissus. Il n’est nullement besoin d’utiliser un ciment chirurgical puisque la cicatrisation de la plaie est un processus de seconde intention. La patiente n’a signalé aucun trouble ou aucune complication postopératoire. Lors de la consultation, 30 jours plus tard, l’appareil orthodontique a été retiré et a révélé une cicatrisation satisfaisante des tissus (Fig. 3). Aucun changement ou trouble n’a été signalé par la patiente mais, cependant, elle déplorait toujours son sourire gingival (Fig. 4). La toxine botulinique a été in- jectée au cours de la même consultation mais avant, la surface de la peau a été désinfectée à l’alcool éthylique à 70% et le sébum superficiel a été nettoyé afin d’éviter une infection locale. Les points d’injection ont été marqués à côté de chaque narine. Ensuite, un anesthé- sique local (EMLA, AstraZeneca) a été appliqué, pour assurer un cer- tain confort durant l’intervention. La toxine botulinique de type A (Botox 200, Allergan) a été diluée dans 2 ml de solution saline, selon les instructions du fabricant, et deux unités ont été injectées dans les sites prédéfinis, laté- ralement par rapport à chaque narine. Après l’injection, il a été conseillé à la patiente de ne pas pencher la tête en avant pendant 4 heures et de ne pas se livrer à une activité physique au cours des premières 24 heures suivant l’in- tervention. Après dix jours, l’examen de la patiente a montré un mouvement d‘ouverture équilibré de la lèvre supé- rieure (Fig. 5). Aucun effet indésirable ou trouble n’a été signalé. Discussion Le sourire gingival est caractérisé par une exposition de la gencive supé- rieure à 3 mm lors du sourire,1, 3, 5, 7 et il affecte souvent les femmes.10 La fréquence plus élevée chez la femme peut s’expliquer par la présence plus courante d’une ligne du sourire basse chez l’homme.4, 5 Plusieurs étiologies du sourire gingival ont été évoquées, dont un excès de développement ver- tical du maxillaire,4–6, 8, 9 une éruption passive altérée,4, 6, 7, 9 une hyperfonction des muscles participant au sourire6, 7, 9 et une longueur réduite de la couronne clinique des dents.1, 2, 7 Ces pathologies surviennent séparément ou en même temps, et déterminent le type de trai- tement à utiliser. Le cas d’un sourire gingival causé par une hyperactivité musculaire est une indication d’injection de toxine botulinique. Outre l’approche plus conservatrice par rapport aux proto- coles chirurgicaux (myectomie ou os- téotomie de Lefort I), l’utilisation de la toxine représente le traitement de choix en termes d’application aisée et sûre, et il agit rapidement.3–11 Les résultats cli- niques apparaissent dans les deux à dix jours qui suivent l’injection, et l’effet le plus visible se re-marque 14 jours après l’injection.3, 5 Celui-ci dure environ trois à six mois.3, 5, 6, 9 Le sourire est lié à l’action de plu- sieurs muscles faciaux, tels que le muscle élévateur de la lèvre supé- rieure, le muscle élévateur de la lèvre supérieure et de l’aile du nez, les muscles grand zygomatique et petit zygomatique, les muscles de l’angle de la bouche (élévateur et abaisseur), le muscle orbiculaire des lèvres et le muscle risorius.3–6, 8–10 Parmi ceux-ci, les trois premiers ont une influence plus importante et déterminent le degré d’élévation labiale. Ils de- 4 5 Fig. 4 : La patiente déplore toujours son sourire gingival. |Fig. 5 : La patiente présente un mouve- mentd’ouverture harmonieux de la lèvre supérieure dix jours après l’injection de toxine botulinique. Figs. 2a et b : Inharmonie anatomique entre la longueur des dents antérieures (a). Longueur des dents mesurée au moyen d’une jauge de proportion de Chu (b). | Figs. 3a et b : Trente jours après l’intervention : cicatrisation satisfaisante des tissus (a) ; longueur accrue des dents mesurée au moyen d’une jauge de proportion de Chu (b). vraient donc être les muscles ciblés par l’injection de toxine botulinique. Dans la me-sure où les fibres de ces muscles convergent vers une même zone, en forme de triangle, il est pos- sible d’administrer la toxine simul- tanément dans les trois muscles, au moyen d’une seule injection. Une fois injectée, la toxine diffuse dans une zone de 10 à 30 mm où elle peut agir efficacement.3–5 Le site prévu pour l’injection est positionné latéralement par rapport à l’aile du nez.3, 4, 8–10 Après l’injection dans les zones prédéfinies, la toxine diminue les contractions des muscles responsables de l’élévation de la lèvre supérieure, ce qui réduit l’ex- position du tissu gingival.3–11 faisant Chaque muscle qui intervient dans l’élévation de la lèvre supérieure a sa propre fonction pendant le sourire. Les points d’injection sont détermi- nés par la contraction de groupes de muscles particuliers, qui contrôlent différentes zones de l’exposition gingivale. Plusieurs classifications du sourire gingival ont été propo- sées : antérieur, postérieur, mélangé et asymétrique, selon les groupes de muscles concernés.4, 10 Le sourire gingival de type antérieur doit être traité par la technique classique, les injections se latéralement par rapport à l’aile du nez. Chez des patients présentant un sourire gingi- val de type postérieur, les injections de toxine doivent cibler les muscles grand zygomatique et petit zygoma- tique, au niveau de deux points dif- férents : le premier point au niveau du site de plus grande contraction des sillons nasogéniens pendant le sourire, et le second point à 2 cm du premier, latéralement et à hauteur de la ligne passant par l’aile du nez et le tragus de l’oreille. Dans le cas de patients présentant un sourire gingi- val mixte, la toxine doit être injectée dans tous les points susmentionnés. Toutefois, la dose doit être réduite de 50% au niveau du point situé latéra- lement par rapport à l’aile du nez.5 Dans les cas d’asymétrie labiale, qui sont dus à des différences de l’activi- té musculaire,4 les patients reçoivent des injections différemment dosées de chaque côté du visage.5, 10 La toxine botulinique de type A est une poudre hydrophile, sté- rile et stable, conservée sous vide.3, 6, 8 La solution est reconstituée par l’introduction régulière d’un diluant (chlorure de sodium à 0,9 % ) dans le flacon. Elle doit ensuite être conser- vée entre 2 °C et 8 °C et être utilisée dans un délai de 4 à 8 heures, afin de garantir son efficacité.3, 9 Le traitement a commencé par la prise de photographies extra-orales, notamment du sourire en gros plan. Plusieurs auteurs insistent sur l’im- portance d’une photo du sourire avant et après l’injection de la toxine.6, 10, 11 Il est conseillé de stimuler chacun des muscles par un courant électrique durant la photographie du sourire, afin de garantir le contrôle précis et reproductible des contractions mus- culaires car un sourire spontané est extrêmement difficile à répéter. De plus, les patients savent que le traite- ment est réalisé afin de créer un sou- rire différent et, sur ce point, on note une tendance inconsciente à sourire différemment lors des photographies prises après le traitement.11 L’injection de toxine botulinique, quoi qu’elle soit une technique simple et sûre, peut être associée à certains effets indésirables, tels qu’une douleur au point d’injection, une contusion, une infection, un œdème, une dyspho- nie, une dysphagie, une ptose ou encore un allongement de la lèvre supérieure et une asymétrie du sourire. Le chirur- gien-dentiste doit prêter attention au dosage, à la précision de la tech- nique et aux emplacements des points d’injection.3, 5, 6, 9, 11 Dans le cas que nous présentons, ni troubles ni chan- gements résultant de l’injection n’ont été signalés. Les contre-indications à l’utilisation de la toxine botulinique sont la grossesse, l’allaitement, l’hyper- sensibilité (allergie) à la toxine botu- linique, au lactose et à l’albumine, les maladies musculaires et neurodégéné- ratives (myasthénie grave et maladie de Charcot-Marie-Tooth), et l’utilisation concomitante d’antibiotiques de type aminoside, qui renforcent les effets de la toxine.3, 9 Dans notre cas, la combinaison des traitements (gingivectomie et injec- tion de toxine botulinique de type A) a produit un résultat très satisfaisant en termes d’équilibre du sourire de la patiente. L’utilisation d’un seul trai- tement n’aurait pas permis d’obtenir ce résultat presque parfait. Initiale- ment, la création du nouveau zénith dentaire durant la gingivectomie a facilité l’obtention de la nouvelle ar- chitecture dentaire et favorisé l’har- monie entre les gencives, les dents et le visage de la patiente. Ensuite, l’in- jection de toxine botulinique de type A a atténué le sourire gingival grâce au mouvement d’ouverture équilibré de la lèvre supérieure, et adoucit les lignes faciales du sourire, comme on peut l’observer au niveau des sillons nasogéniens sur le côté des ailes du nez en comparant les Figures 1 et 5. Conclusion Pour résumer, l’injection de toxine botulinique est une solution de trai- tement moins invasive, plus rapide, plus sûre et plus efficace, et elle mène à des résultats harmonieux et plai- sants lorsqu’elle est utilisée sur les muscles ciblés, dans le respect de la dose appropriée et du type de sou- rire attendu. Elle représente donc un traitement d’appoint pour améliorer l’esthétique du sourire et produit de meilleurs résultats lorsqu’elle est as- sociée à une gingivectomie. Note de la rédaction : une liste des réfé- rences est disponible auprès de l’éditeur. Cette article est paru dand le magazine ortho, Vol. 3, numéro 1/2018. Dr. Irineu Gregnanin Pedron est spécialiste en parodontologie et implantologie. Il occupe un poste de chercheur indépendant au col- lège de médecine dentaire de l’uni- versité de São Paulo, au Brésil, et de professeur de parodontologie et de clinique multidisciplinaire, égale- ment au collège de médecine den- taire de l’université de São Paulo. Il donne des cours sur l’utilisation de la toxine botulinique en dentisterie à l’institut Bottoxindent, São Pau- lo. Il est l’auteur du livre Toxina Bo- tulínica – Aplicações em Odontolo- gia (Editora Ponto, 2016 ; publié en portuguais). Pedron exerce dans un cabinet dentaire privé de São Paulo. Il est possible de le contacter via son adresse électronique : igpedron@ alumni.usp.br