32 CAS CLINIQUE Laser Tribune Édition Française | Octobre 2018 Corticotomies alvéolaires par lasercision : Une procédure minimalement invasive dans le but d’accélérer les traitements orthodontiques chez l’adulte Dr Brice Savard, France De plus en plus de patients adultes nous consultent pour retrouver un sourire har- monieux, plus esthétique, plus jeune. « Avoir des dents bien alignées » est une de- mande qui revient constamment. Toute la population adulte est potentiellement sujette à l’apparition d’une dysharmonie dento-maxillaire. En effet, avec le temps, des chevauchements dentaires apparaissent et/ou s’aggravent pour diverses raisons (résorption des bases osseuses, diminution du support parodontal, parafonctions, etc.). Cependant, bon nombre de patients sont réticents à l’idée d’engager un traitement d’ortho dontie. Nous avons aujourd‘hui à notre disposi- tion, des techniques d’orthodontie esthé- tiques, voire invisibles (orthodontie lin- guale, aligneurs qui tendent à démocratiser l‘orthodontie adulte). Néanmoins, un traite- ment d’orthodontie, même esthétique, reste contraignant (durée du traitement, perturbation du mode de vie, fréquence des rendez-vous, difficultés d’élocution, blessures, douleurs…). C’est pourquoi nous sommes souvent confrontés à des patients qui vont préférer une réhabilitation de leur sourire par éléments prothétiques. la mandibule, dans Il existe pourtant une technique permet- tant de réduire la durée d‘un traitement d‘orthodontie et d’en faciliter son déroule- ment : Les corticotomies. Il s‘agit d‘une technique chirurgicale qui consiste à réali- ser des incisions ver ticales de la cor ticale os- seuse interdentaire vestibulaire, au maxil- laire et à le but d‘accélérer le déplacement dentaire. Du fait de la demande croissante des patients adultes d‘améliorer leur sourire et la péren- nité de leurs dents, les traitements d’ortho- dontie esthétiques, associés aux corticoto- mies segmentaires sont de plus en plus pra- tiqués, en particulier grâce à l’apparition de procédures beaucoup moins invasives qu’auparavant. Historique Les premières corticotomies ont été dé- crites dès la fin du 19e siècle. Köle, en 19591 propose un protocole associant corticoto- mies segmentaires vestibulaires et linguales et ostéotomie horizontale sus-apicale, après élévation d’un lambeau sous périosté total. Köle développe la théorie des blocs osseux (Bony Blocks) pour expliquer des déplace- ments dentaires plus rapides. On pense alors qu’il est nécessaire d’obtenir une déso- lidarisation quasi-complète du bloc osseux soutenant les procès alvéolo-dentaires, pour que le mouvement se fasse plus rapide- ment. Cette technique, extrêmement invasive, n’a pas rencontré de succès majeur auprès des orthodontistes. Dans les années sui- vantes, des protocoles simplifiés sont dé- crits,2, 3, 4, 20, 21 sans ostéotomie sus-apicale, mais toujours basés sur la théorie des blocs osseux. Frost, un orthopédiste américain, met en évidence,5, 6 à la suite d’interventions chirurgicales au niveau des os longs, une 1a 1d 1b 1e 1c 1f Figs. 1a–f : Situation initiale. augmentation de la vitesse du turnover cel- lulaire osseux (remodelage osseux) associé à un état d’ostéopénie transitoire, à proxi- mité immédiate du site d’intervention. Il in- troduit le concept de Phénomène d’Activa- tion Régionale ou PAR (Regional Activation Phenomenom) pour décrire ce processus de cicatrisation physiologique. De nombreuses études vont valider ce concept et des corré- lations sont faites entre PAR postchirurgical et mobilité dentaire. Yaffe A. et al.7 pro- posent que le PAR est responsable de l’aug- mentation de la mobilité dentaire après une chirurgie parodontale. Verna8 montre une corrélation entre remodelage osseux et dé- placement dentaire. Concept biologique des corticotomies En se basant sur ces différentes études et sur le concept du PAR, les frères Wilcko (or- thodontiste et parodontiste américains) in- troduisent en 2001 le concept biologique pour expliquer l’augmentation de la vitesse de déplacement dentaire à la suite de corti- cotomies.9 Cependant, leur protocole est toujours conventionnel et invasif : un lam- beau muco-périosté complet, en vestibu- laire et en lingual suivi des corticotomies à la fraise à os (associé éventuellement à une greffe de tissus mous et/ou osseux). Par la suite, d’autres études montrent que l’effet du PAR se retrouve à distance des zones de cortico tomies14–17 et des protocoles moins invasifs, sans lambeau, sont établis.10, 11 En 2007, Vercellotti12 introduit l’utilisation d’une micro-scie piézo-chirurgicale. Cepen- dant, sa technique nécessite toujours l’éléva- tion d’un lambeau vestibulaire. Au fil de l’évolution des connaissances et de la compréhension du phénomène biolo- gique sous- jacent (concept du PAR), les tech- niques vont se sont simplifier, avec des résultats équivalents. En 2009, Dibart, Sebaoun et Surmenian13 introduisent la technique de piézocision pour réaliser des corticotomies segmentaires minimalement invasives. Cette technique novatrice sup- prime les corticotomies palatines et le lam- beau muco-périosté. Les corticotomies sont réalisées à l’aide d’un piézotome, directe- ment au travers de la gencive attachée, après une incision verticale au bistouri. Cette technique peut être combinée à des greffes de tissus mous et/ou durs. Indications et contre-indications des corticotomies Les corticotomies ont pour objectif de ré- duire de manière significative la durée du traitement orthodontique et d‘en faciliter son déroulement. Elles peuvent donc être réalisées dans la plupart des malocclusions, en particulier les classes I DDM. En effet, les corticotomies vont trouver leur intérêt dans la phase de nivellement dentaire (la durée du PAR étant temporaire, environ 4 à 6 mois). En outre, en facilitant des déplacements complexes chez l‘adulte (distalisation mo- laire, distalisation en masse, ingressions, etc.) les corticotomies vont permettre une simplification du plan de traitement et de limiter le recours aux extractions orthodon- tiques. Les corticotomies sont également in- diquées dans la phase de décompensation lors des traitements ortho-chirurgicaux. D‘autre part, les corticotomies peuvent être réalisées quelle que soit la technique d’orthodontie utilisée (vestibulaire, lingual, aligneurs). Les patients pouvant subir cette interven- tion ne doivent pas avoir de maladie paro- dontale active, de lésions périapicales, de pathologie osseuse locale ou générale, être 2a 2c 2b 2d Figs. 2a–d : Situation postchirurgicale immédiate maxillaire et mandibulaire.