6 Dental Tribune édition belge Septembre 2018 Tenons fibrés et renforcement dentaire : les données probantes de la littérature p4» veau de la restauration coronaire. On estime que 25 % des retrai- tements impliquent l’utilisation d’un tenon. Les tenons fibrés sont éliminés de façon atraumatique en quelques minutes seulement, au moyen de certaines marques de systèmes de forets disponibles sur le marché.41–43 Aucun article sur la restauration d’une dent gravement fracturée après un traitement endodontique ne devrait omettre la description du concept du cerclage( ferrule), qui est « une bague ou un anneau métallique cerclant la dent afin d’assurer une forme de ré- tention, de résistance et de protection contre la fracture ».44 La plupart des ar- ticles publiés, reposant sur les données in vivo et in vitro, indiquent qu’une hauteur du cerclage de 2 mm est la plus appropriée pour accroître la résistance à la fracture, celle-ci diminuant signi- ficativement lorsque la ferrule ne me- sure que 1 mm ou est absente.45–47 Tou- tefois, la hauteur de dentine résiduelle n’est pas le seul facteur essentiel à la création d’une ferrule. La largeur de la dentine restante et le nombre de parois sont tout aussi importants. Comme le montrent les figures 7 et 8, les résultats sont extrêmement différents selon que la préparation d’une ferrule s’effectue en présence d’un canal qui est évasé légèrement ou fortement. En présence d’un évasement important, la prépa- ration d’une ferrule élimine véritable- ment les parois dentinaires latérales et mène à un inlay-core « libre » qui n’est protégé par aucune ferrule. Il est important de noter ici que les ci- ments verres ionomères et les verres ionomères modifiés par adjonction de résine, sont démunis des propriétés physiques nécessaires à une utilisation comme matériaux d’inlay-core.48, 49 Dans leur article « Repenser la ferrule », Jotkowitz et al. fournissent parmi les meilleures analyses de régression et orientations cliniques de la littérature fondées sur l’évaluation des effets de la hauteur, du nombre de parois encore présentes, de leur épaisseur, et de la relation encore existante ou non, entre une paroi mésiale/distale ou vestibu- laire/linguale et les contraintes fonc- tionnelles entrant en jeu.50 Un simple exemple serait la différence entre d’une part, la perte de la paroi linguale d’une incisive supérieure (même s’il lui reste trois parois), qui peut s’avérer catastro- phique en raison du moment de tor- sion appliqué sur la face linguale en fonction, et d’autre part la perte d’une face interproximale n’ayant que peu d’effet sur la fragilisation lorsqu’une contrainte est appliquée sur la même face linguale. Selon la conclusion des auteurs, l’absence d’une ferrule est sy- nonyme de « restauration impossible » et « Les protocoles cliniques devraient préciser des critères d‘inclusion bien définis, notamment la description du nombre de parois coronaires restantes, aux fins d’une évaluation plus claire de l’influence de la structure dentaire résiduelle sur les résultats du traite- ment ».51 Lorsque le nombre de parois encore présentes se réduit, la résistance à la fracture diminue si aucun tenon n’est utilisé. Par contre, elle augmente sensiblement lorsque des tenons fibrés sont mis en place – sauf s’il n’y a plus aucune paroi.52 « le taux de réussite de tous les tenons diminue considérable- ment en l‘absence d’une paroi coronaire résiduelle ».51 Les définitions littérales de renfor- cement proposées par diverses sources sont les suivantes : • Un dispositif conçu pour offrir plus de résistance. • Une consolidation par l’ajout d’un support supplémentaire. • Une augmentation de la robus- tesse. • Une consolidation par l’ajout de pièces, d’un support ou d’un matériau. • Une augmentation de la solidité d’une structure. Une grande partie de la littérature dentaire et de nombreux textes pu- bliés depuis les années 1970 jusqu’au début des années 1990 mentionnent qu’un tenon est mis en place lorsque la structure résiduelle est insuffisante pour maintenir un inlay-core / une couronne, et que les tenons métalliques ne renforcent pas la racine.53–56 Un exa- men rétrospectif de la recherche sur des dents traitées endodontiquement au moyen de tenons métalliques appuie assurément cette affirmation.57, 58 Tou- tefois, des articles et publications de recherches plus récentes décrivent, un ensemble d’études démontrant que les tenons fibrés augmentent quant à eux la résistance à la fracture de la racine et peuvent la renforcer. Ce qui suit ne représente qu’une présentation par- tielle et très brève de quelques-unes des dernières études les plus pertinentes, appuyant le concept de renforcement au moyen de tenons fibrés. D‘arcangelo et al.59 ont étudié la résistance à la fracture et la flexion de dents restaurées par un tenon fibré et préparées pour la pose de facettes pel- liculaires. L’étude portait sur soixante- quinze incisives centrales supérieures humaines présentant des couronnes anatomiques similaires : aucune prépa- ration, préparation de la facette, accès endodontique obturé par un composite, préparation de l’accès endodontique avec le composite et la facette, et mise en place du tenon fibré (RTD, Endo Light Post) suivie de la préparation de la facette. Tous les échantillons ont été soumis à un thermocyclage et à des tests de résistance à la fracture au moyen d’un système de mesure du dé- placement. La préparation de la facette a augmenté les valeurs de flexion des échantillons, mais la restauration par tenon renforcé de fibres avec prépara- tion de la facette, n’a indiqué aucune différence statistiquement significative par rapport à l’incisive intacte non pré- parée. traitement Lors d’une étude de la résistance à la fracture et du mode de rupture de prémolaires restaurées par de la résine composite et divers tenons préfabri- qués, Hajizadeh et al.1 ont utilisé 60 dents extraites réparties en quatre : aucune préparation sous-groupes cavitaire, endodontique avec restauration mésio-occluso-dis- tale (MOD) et aucun tenon, traitement endodontique avec tenon DT Light- Post (RTD) et restauration MOD, et pour le dernier groupe, traitement endodontique, tenon Fil-Post (Filhol Dental, Royaume-Uni) et restauration composite MOD. Les dents restaurées au moyen du tenon DT Light-Post et du composite étaient aussi robustes que la dent témoin (dent non préparée), et plus robustes que les dents restaurées au moyen du composite seul, sans uti- lisation de tenon, et que les dents res- taurées au moyen d’un tenon en titane et du composite. Dans le groupe traité par le tenon DT Light-Post, 86 % des fractures étaient « restaurables ». Ce taux était de loin supérieur aux trois autres groupes. Selon les auteurs « Il apparaît de plus en plus clairement que les tenons fibrés offrent l’avantage sup- plémentaire d’une résistance accrue à la fracture ». L’effet d’une mise en place de tenons fibrés sous des couronnes en céramique/ zircone a été étudié par Salameh et al.60 Quatre-vingt-dix deuxièmes mo- laires inférieures ont été réparties dans trois groupes d’essai. Les dents présentaient divers degrés de lésions coronaires et avaient fait l’objet d’un traitement endodontique et d’une obturation par condensation verticale à chaud. Une moitié des échantillons était restaurée au moyen de composite, l‘autre moitié par un tenon translucide en composite renforcé de fibres (CRF) (Rely-X Fiber Post, 3M ESPE) et une reconstitution coronaire en composite. L’insertion du tenon fibré a accru l’effi- cacité du support sous les couronnes en zircone, ce qui a augmenté la résis- tance à la fracture et mené à un type de rupture favorable en comparaison d’un inlay-core en composite. Maccari et al.61 ont utilisé 30 dents monoradiculaires, traitées endodonti- quement, pour étudier la résistance à la fracture de différents tenons préfa- briqués garantissant une qualité esthé- tique, dont Aesthetic-Post (RTD), FibreKor Post (Jeneric Pentron) et CosmoPost (un système de tenon en céramique fabriqué par Ivoclar Vi- vadent). Ils ont conclu que la résistance à la fracture moyenne de ces tenons en fibre de verre préfabriqués esthétiques se révélait supérieure à celle d’un tenon en céramique, le niveau de résistance à la fracture du tenon en céramique correspondant à moins de la moitié de celui des tenons fibrés. La résistance à la fracture et le sché- ma de rupture d’incisives supérieures traitées endodontiquement et restau- rées au moyen de résine composite, avec et sans tenon composite renforcé de fibres placé sous différents types de couronnes de recouvrement total, ont été étudiés par Salameh et al.62 Cent vingt incisives supérieures ont été trai- tées endodontiquement et réparties dans quatre groupes comprenant cha- cun 30 dents, puis de nouveau réparties dans deux sous-groupes de restauration avec ou sans tenon fibré (Postec Plus, Ivoclar Vivadent). Les restaurations étaient cons-tituées de couronnes céra- mo-métalliques (PFM), Empress II, SR Adoro et Cercon, toutes les pré- parations comprenant une ferrule de 2 mm. Les tests de fracture ont indiqué que le type de couronne n’était pas un facteur important affectant la résis- tance à la fracture, mais que la présence d’un tenon l’était. Selon les auteurs, « Quoique les ma- nuels traitant des prothèses ne prônent généralement pas la mise en place de tenons fibrés dans les incisives traitées endodontiquement, les résultats de cette étude indiquent que l‘utilisation de tenons fibrés dans ces dents augmente leur résistance à la fracture et améliore le pronostic en cas de fracture ». Lors d’une étude réalisée sur 80 prémolaires supérieures traitées endo- dontiquement, avec ou sans tenons fi- brés, préparées par des cavités MOD et restaurées au moyen de différents types de couronnes, notamment des cou- ronnes céramo-métalliques, en disili- cate de lithium, en composite renforcé de fibres ou en zircone, Salemeh et al,63 ont soumis les restaurations à des charges jusqu‘à atteindre la fracture et ont relevé les valeurs maximales. Dans des conditions de charges verticales, la résistance à la fracture des dents restau- rées par des tenons fibrés s’est révélée significativement supérieure à celle des dents dépourvues de tenons, et les te- nons fibrés ont sensiblement contribué au renforcement et à la robustesse des dents dépulpées en agissant comme un support de la structure dentaire rési- duelle contre les contraintes de com- pression verticales. le renforcement de Il existe beaucoup plus d’études démontrant la structure dentaire par des tenons fi- brés.64–73 Les résumer toutes n’est pas possible mais il semble évident que notre concept de restauration de dents traitées endodontiquement ne cesse d’évoluer au fur et à mesure que de nouveaux produits et procédés adhésifs apparaissent. Même lorsque les types de tenons fibrés utilisés dans les études diffèrent, ainsi que les protocoles de scellement et de collage, il est incon- testable que les tenons fibrés peuvent renforcer la structure dentaire. Pour être équitable dans cette revue de la littérature, il faut souligner bien entendu que certains articles scien- tifiques publiés ne mentionnent pas l’effet de renforcement par les tenons fibrés.7, 74, 75 Outre la définition traditionnelle du renforcement mécanique, qui cor- respond à la restauration d’une dent compromise pour lui conférer une résistance à la fracture égale ou supé- rieure à celle de cette dent « non traitée », nous, cliniciens, devrions peut-être être plus soucieux de la prévisibilité des résultats, particulièrement dans les cas de scénarios les plus défavorables. En d’autres termes, nous devrions évaluer la contribution apportée par un tenon par rapport à l’absence d’un tenon, ou la seule présence d’un composite, aux structures encore présentes. Au vu de ce qui émerge de l’ensemble croissant des données in vitro76–79 (et cliniques), nous pouvons surtout conclure que les échecs des tenons fibrés constatés in situ doivent plus probablement être définis comme « non catastrophiques » ou « réparables », ce qui n’est généra- lement pas le cas avec des tenons à module élevé. Les essais cliniques récemment publiés corrèlent en outre le taux de réussite avec le nombre de parois den- tinaires restantes.51, 80, 81 Les diver- gences de la littérature concernant les tenons fibrés portent sur les résultats de l’utilisation de dents naturelles ou de dents bovines, les résultats in vivo par rapport aux résultats in vitro, l’effet du desmodonte sur la répartition de certaines contraintes, la technique de charge (verticale, horizontale ou selon un angle), le type et la qualité du tenon, l’identification de la « boue dentinaire secondaire » et la manière dont elle affecte l’adhésion, le type de dentine radiculaire qui doit être collé, l’adhésif utilisé, la capacité du tenon de p8» 6a 6b 7 8 Fig. 6a : L’échec esthétique courant lors de l‘utilisation de tenons métalliques se traduisant par une dyschromie de la structure dentaire, ainsi que du collet gingival. (Photo reproduite avec l‘aimable autorisation du Dr Frank Milnar). | Fig. 6b : Le résultat de la mise en place d’un tenon fibré transmettant la lumière avec une céramique translucide (Photo reproduite avec l‘aimable autorisation du Dr Frank Milnar). | Fig. 7 : Le résultat caractéristique de la création d’une couronne de recouvrement total, avec une ferrule dans une cavité d‘accès endodontique légèrement conique. | Fig. 8 : La préparation d’une ferrule sur une dent tout en évasant largement le canal, élimine complètement la dentine latérale et crée un inlay-core « libre », ce qui réduit considérablement le taux de réussite clinique. 40