CAD/CAM Tribune Édition Française | Août/Septembre 2018 CAS CLINIQUE 31 Depuis peu, les matériaux utilisés pour l’impression 3D de couronnes et de bridges provisoires ont été commercialisés, et sont maintenant employés avec succès parallèle- ment aux scanners intra-oraux.20 Notre étude vise à démontrer l’utilité du prototypage rapide pour la réalisation de restaurations dentaires provisoires, au moyen de scanners intra-oraux, d’empreintes optiques prélimi- naires. Pour cette technique, nous avons utili- sé deux scanners, un scanner couleur de der- nière génération (2016), le Trios 3 de 3Shape (Cas 1), et un ancien scanner (2008), le CEREC 3D Redcam de Sirona (Cas 2 et Cas 3). Nous dé- crivons le flux de travail qui mène à l’obten- tion d’un fichier en format .STL ouvert du modèle de la restauration définitive, à partir de fichiers en format propriétaire, .CDT pour le CEREC 3D , et .DCM pour le TRIOS. Nous dé- montrons que ces fichiers peuvent servir au fraisage comme à l’impression 3D, pour pro- duire les restaurations prothétiques défini- tives. Après la présentation et la comparaison des deux techniques de fabrication par le biais des trois études de cas cliniques, nous évoquons les types de matériaux disponibles pour l’impression 3D, le type d’imprimante avec lequel ils peuvent être utilisés et les avantages que l’on peut en retirer pour réali- ser des prothèses provisoires au fauteuil, avant de préparer les dents. Procédés de fabrication classique Les praticiens ont généralement recours à plusieurs techniques pour fabriquer les pro- thèses provisoires.21 – Ils utilisent des couronnes préformées du commerce (en acétate de cellulose ou en polycarbonate). – Ils personnalisent des restaurations en résine à l’aide de diverses techniques : Technique directe – à l’aide d’une matrice (empreinte à l’alginate ou en matériau élastomère, ou matrice en plastique formée sous vide) ou une technique de sculpture sur mesure (réalisation d’une prothèse provisoire par modelage de l‘anatomie coronaire à partir d’un volume de résine à consistance pâteuse, adaptée directement sur la préparation, dite « Block Technique »). Technique indirecte – faisant appel à un laboratoire qui fournit une restauration quasi terminée (qui sera rebasée et réadap- tée en bouche). Elle nécessite la prise d’une empreinte de la dent à préparer et de l’ar- cade antagoniste. La fabrication des restaurations provi- soires par les techniques classiques fait appel à divers matériaux, tels que des polymères (polyméthacrylate de méthyle [PMMA)], poly(méthacrylate d’éthyle) [PEMA], dimé- thacrylate glycidique de bisphénol A (Bis-GMA) et diméthacrylate d’uréthane [UDMA] photopolymérisable). Les techniques directes sont souvent très rapides à mettre en œuvre mais, d’après un certain nombre d’études, les techniques in- directes produisent des restaurations de meilleure qualité. – Il est reconnu qu’une technique indirecte crée une adaptation marginale des cou- ronnes provisoires plus satisfaisante que les autres techniques.22 – Le temps au fauteuil est écourté car la plu- part des procédures sont accomplies avant la visite du patient. – La chaleur générée en bouche est moindre car le rebasage ne nécessite qu’un faible volume de résine. En technique directe, la chaleur produite et transférée à la cavité pulpaire, peut être suffisante pour causer une lésion thermique de la pulpe et des odontoblastes. La température augmente dans la cavité pulpaire pendant la fabrica- tion de couronnes provisoires en résine.23 – Le contact entre le monomère de résine et les tissus mous est minimisé en compa- raison de la technique directe. – Les dernières corrections occlusales ou esthétiques à apporter sont peu nom- breuses. Dans les cas de restaurations plurales ou esthétiques, la fabrication indirecte d’une prothèse provisoire devient quasi obliga- toire. Études de cas Lorsqu’on envisage l’impression 3D, les fi- chiers CAO finaux de la restauration, doivent être au format .STL, ce qui est pro- posé à l’export par le logiciel Exocad. Le flux de travail est ici comparable, quel que soit le scanner intra-oral utilisé (Fig. 1). CAS 1 : Impression 3D d’une couronne posté- rieure provisoire (sur une imprimante Perfactory Vida Hi-Res (EnvisionTEC Inc., Dearborn, Michigan, États-Unis) à partir d’une empreinte préliminaire réalisée avec un scanner couleur intra- oral (TRIOS 3 de 3Shape). tique en céramique sur zircone, un choix in- téressant en termes d’opacité dans les cas de dent dépulpée et colorée. Nous avons réalisé un scannage préliminaire pour fabriquer une couronne provisoire au moyen d’une imprimante 3D, qui serait scellée à la fin de la reconstitution et maintenue pendant la phase de laboratoire nécessaire. Nous avons utilisé le scanner TRIOS 3 Couleur de 3Shape (3Shape A/S Copenhague Danemark), pour effectuer un premier scannage de la situa- tion initiale (Fig. 2). Le fichier de l’empreinte (au format .DCM) a été transféré dans le cloud de 3Shape via leur application Com- municate, afin de le convertir en format . STL. La phase préprothétique a consisté en un traitement endodontique et en la mise en place d’un tenon en composite renforcé de fibres, effectuée sous une digue en caout- chouc (Fig. 3). 2/ Fabrication de la prothèse provisoire au moyen d’une imprimante 3D Une prothèse provisoire a été créée d‘après la forme de la dent déterminée lors du scannage préliminaire, à l‘aide du module des provisoires du logiciel Exocad (Exocad GmbH, Allemagne) (Fig. 4). La cou- ronne provisoire a été fabriquée dans une imprimante 3D Perfactory Vida Hi-Res (Fig. 5) et fixée en bouche avec un ciment provisoire (Fig. 6). Après l’élimination de la base, la couronne provisoire a été rebasée et adaptée en bouche le jour de la préparation. 3/ Fabrication de la couronne définitive par CAO Une empreinte optique a été prise le jour des mesures et de la mise en place de l’im- pression provisoire, ce qui a permis de fabri- quer une chape en zircone et de procéder à la stratification de la céramique esthétique, sur le modèle créé par impression (Fig. 7a), puis la couronne a été fixée en bouche (Fig. 7b). CAS 2 : Bridge provisoire fraisé dans un centre de fabrication au moyen d’une em- preinte optique prise avec une caméra Cerec 3 Redcam (Sirona). 1/ Présentation du cas et traitement préliminaire Chez un patient de 37 ans, une nécrose, apparue sous un composite, avait entraîné la destruction de la pulpe de la dent 45 à la suite d’une carie. La structure dentaire dis- parue n’affectait pas la morphologie com- plète de la dent et nous avons décidé de pro- céder à une reconstitution coronaire esthé- En raison de la lenteur tant de la prise d’em- preinte optique que du fonctionnement de la fraiseuse, avec les CEREC d’ancienne généra- tion il est fastidieux de produire une pro- thèse dentaire fixe définitive, même de 3 unités seulement, en une seule visite. La méthode de provisoire CFAO par « préscan » peut aider à temporiser pendant la phase la- boratoire. 8 9a 9b 10 11a 11b 12 13a 13b Fig. 8 : Situation clinique initiale, dent 31 absente. | Fig. 9a : Positionnement de l’angle d’insertion de la future préparation. 9b : Ajustage de l’épaisseur des parois du bridge provisoire. | Fig. 10 : PDF provisoire fraisée (Dentallgroup.com). | Figs. 11a : Préparation des dents piliers du bridge (31 et 42, pulpées). 11b : Em- preintes numériques (CEREC 3.85). | Fig. 12 : Essayage du bridge provisoire, fraisé en PMMA (polyméthacrylate de méthyle) Tempomill Vario (ZMT). | Figs. 13a : CAO de la PDF en e.max sur CEREC inLab 4.3. 13b : Bridge en e.max (Ivoclar Vivadent) collé. 1/ Présentation de l’étude de cas Un patient de 19 ans est venu nous consul- ter après une chute de plusieurs mètres sur un rocher qui avait causé une fracture de la mâchoire et nécessité l’implantation chirurgi- cale d’une plaque d’ostéosynthèse en titane. La dent 31 fracturée avait dû être extraite en raison de l’intervention, menant à un édente- ment unitaire. À l’examen scanographique, il apparaissait que la présence de la plaque d’os- téosynthèse excluait la pose d’un implant (Fig. 8). Six mois plus tard, la croissance et la maturation de l’os étant terminées, la pose d’un bridge pouvait être envisagée.24 2/ Fabrication d’une prothèse partielle fixe à 3 unités par CFAO Une empreinte optique préliminaire a été prise avec une caméra CEREC 3D, afin d’obte- nir le modèle de la situation initiale. Le fi- chier numérique .CDT a ensuite été ouvert au moyen de Blender (2.63.33), un logiciel 3D Open Source standard, et d’un logiciel com- plémentaire Open Dental CAD, développé par Patrick Moore, pour exporter le fichier en format .STL de sorte qu’il puisse être lu par Exocad. Le logiciel Open Source Free- CAD (Juergen Riegel, Werner Mayer, Yorik van Havre 2002, https://freecadweb.org/) a été utilisé pour optimiser l’empreinte nu- mérique par une découpe des bords, ce qui a permis d’éliminer tout artéfact créé par la lèvre inférieure obstruant la visibilité. La qualité du maillage et les fonctions de répa- ration automatique ont été effectuées l‘une après l‘autre lorsque cela était nécessaire. Le fichier était ainsi prêt à être importé dans le logiciel de CAO dentaire Exocad. Dans le cas où le patient est satisfait de l’aspect des dents existantes, leur morphologie doit simple- ment être copiée pour la fabrication de la pro- thèse provisoire, sans le besoin d’utiliser un mock-up pour s’assurer de l’esthétique. Le lo- giciel de conception a permis d’effectuer le remplacement virtuel de la dent absente. Les limites marginales du futur bridge ont été dé- finies, représentées sur l’écran par des points jaunes pouvant être déplacés pour créer une ligne noire. La travée du bridge s’insérait de façon naturelle entre les deux dents piliers existantes. L’angle d’insertion du bridge a été déterminé d’après la future préparation des dents 41 et 31 (Fig. 9). À ce stade, l’épaisseur des parois du bridge provisoire, ainsi que la forme des limites marginales pouvait être plani- fiées. La forme du pontique et ses connexions intermédiaires ont été définies afin de corres- pondre aux critères de durabilité et d’hy- giène. Le fichier a été exporté en format .STL à partir du logiciel Exocad et envoyé via l’inter- net à centre de fraisage extérieur (dentall- group.com) en vue de la fabrication. La durée de fabrication et de livraison de la PPF provi- soire était de 48 heures (Fig. 10). 3/ Fabrication du bridge Ceramo Zircone d’usage La Fig. 4 montre la situation clinique après préparation des dents piliers. Le bridge fabri- qué d’après les fichiers envoyés au labora- toire a été livré au cabinet dentaire (Fig. 11). La prothèse a été essayée et adaptée dans la bouche du patient le jour de la prépara- tion. Cette étape a nécessité beaucoup moins d’ajustages que les procédés de fabrication classiques. Un rebasage a été nécessaire mais les limites marginales étaient bien adaptées. Une empreinte optique intra-orale des pré- parations a été prise avec la caméra 3D CEREC (« Redcam »). Le fichier a été envoyé via le site internet en libre accès www.wetransfer.com au laboratoire de prothèses dentaires, qui était équipé du logiciel Sirona inLab 4.3 (Dentsply Sirona, États-Unis) ; la PDF provi- soire a ensuite été fixée en bouche avec un