10 INTERVIEW Dental Tribune Édition Française | Juin/Juillet 2018 ICD — Hommage aux experts de l’art dentaire depuis 1920 © ICD Taiwan Par Nathalie Schüller, DTI L’ICD (International College of Dentists) cé- lébrera son centenaire en 2020. L’ICD est la plus ancienne et la plus importante société honorifique de chirurgiens-dentistes dans le monde. Ses fondateurs, les Drs Louis Ottofy et Tsurukichi Okumura, lui ont donné le jour dans l’esprit de réunir des chirurgiens-dentistes hors pair qui entre- tiendraient la collégialité professionnelle et l’amitié, assureraient le suivi et l’évaluation des progrès de la dentisterie à l’échelle inter- nationale, et communiqueraient ces infor- mations aux praticiens du monde entier. Aujourd’hui, l’ICD regroupe 122 pays affi- liés et 12 000 membres, aux cultures et ori- gines sociales diverses, aux expériences pro- fessionnelles différentes. Le collège a pour but de reconnaître les contributions remar- quables apportées à la profession dentaire, dans le respect de ses valeurs profondes : leadership, reconnaissance, humanisme, éducation et liens professionnels. Au nom de Dental Tribune Online, j’ai eu le plaisir de m’entretenir avec le Dr Dov Sydney, rédac- teur et directeur international des commu- nications, et président du comité chargé d’organiser le centenaire de la société. Dr Sydney, pourriez-vous me dire comment et pourquoi vous avez rejoint l’ICD ? Oh, d’une manière très habituelle pour l’ICD. Un de mes patients était dentiste et m’a parlé de son bénévolat dans une cli- nique pour aveugles de l’ICD. Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’était l’ICD. Il m’en a alors parlé davantage et m’a demandé si j’ai- merais participer aux activités de la cli- nique et aider les patients. Vu mon expé- rience et mon CV, il m’a également dit qu’il proposerait très volontiers ma candidature de membre au collège. C’était en 1996 et j’ai accepté avec beaucoup de fierté. J’ai été actif dans le district d’Israël, puis je suis devenu régent, rédacteur et gestionnaire du site Web du Conseil de la section européenne. Plus tard, on m’a demandé de siéger à la haute direction internationale de l’organisa- tion en tant que rédacteur et directeur in- ternational des communications de l’ICD. Quoique notre organisation se concentre sur l’amélioration de l’accès et de la qualité des soins de santé bucco-dentaire, nous sommes aussi une société professionnelle de valeurs et d’intérêts partagés, et il y règne donc un véritable esprit de convivialité et de camaraderie : nous nous rencontrons aux ni- veaux régionaux et internationaux dans le cadre d’entretiens sérieux et aussi d’événe- ments sociaux. Nous sommes un groupe unique au sein duquel il n’existe ni atmos- phère de compétition ni besoin de démon- trer sa propre réussite ou son nombre de pu- blications personnelles. Ceci est loin d’être une chose courante dans bon nombre d’asso- ciations professionnelles. Je pense que chacun en est conscient et apprécie cette fa- cette unique de l’ICD. L’ICD encourage les re- lations concertées et partagées, guidées par le principe universel selon lequel tous les membres sont égaux, quelle que soit leur ori- gine nationale, leur culture ou leur langue. Les candidats à l’adhésion sont-ils tous pro- posés par des membres ? Oui, il convient d’être proposé par deux membres honorables. Supposons un candi- dat qui vit en Allemagne. Deux membres du collège devront le proposer au comité du dis- trict allemand, qui, sur recommandation du comité d’examen des titres professionnels, communiquera la proposition de candida- ture à l’ensemble du conseil de la section eu- ropéenne (composé des 35 pays membres eu- ropéens) aux fins d’un vote. La décision sera ensuite transmise au siège mondial de l’ICD pour clôturer le processus et préparer les cer- tificats. Il s’agit donc d’une longue démarche mais elle est nécessaire pour assurer l’étude approfondie des normes et des documents, qui sont indissociables des procédures d’exa- men effectuées par des pairs. Quelle est la condition fondamentale pour être proposé ? Des projets réalisés en dentis- terie, un travail humanitaire, ou les deux ? Les candidats doivent avoir apporté une contribution majeure à la dentisterie dans plus d’un des secteurs suivants : com- munauté universitaire/enseignement, re- cherche, participation à des programmes humanitaires, encadrement ou activités de services. Autrement dit, ils doivent avoir eu une influence notable sur la dentisterie et sur la société. Quelle est votre plus grande satisfaction, ou votre motivation principale, au sein de l’ICD ? En tant que rédacteur et directeur inter- national des communications, je consulte tous les rapports et photographies des évé- nements et des projets organisés dans le monde par l’ICD. Je dois choisir ceux qui paraîtront en ligne et dans notre journal. C’est la raison pour laquelle je vous ai envoyé une photo de l’édition 2015 du journal de l’ICD, The Globe. Cette photo illustre bien le type d’im- pact produit par bon nombre de nos projets sur les gens qui bénéficient de la bienveil- lance et du dévouement de l’ICD. Tout se lit dans leurs yeux – une image palpable de ce qu’est la générosité d’un être humain pre- nant soin d’autres êtres humains, dont cer- tains reçoivent des soins pour la toute pre- mière fois de leur vie. Les soins dentaires sont-ils la principale chose dont nous devrions nous soucier dans des en- droits du monde aussi démunis ? Les pathologies orales peuvent générale- ment être traitées, souvent évitées, et pour- tant, si l’on a mal aux dents, on ne peut pas fonctionner ; si l’on perd ses dents, on ne peut pas manger. Dans de nombreuses ré- gions où règne la malnutrition, si des dents fonctionnelles ne sont pas là pour pouvoir manger convenablement et digérer les ali- ments, c’est la santé en général qui s’en trouve affectée. Il existe en outre des en- droits dans le monde où les infections den- taires sont à tel point ignorées et graves qu’elles peuvent mener à une maladie grave et même à la mort. Notre autre force à l’ICD est que nous ana- lysons l’incidence globale de nos projets sur la communauté. Je me souviens avoir écrit un rapport sur une équipe qui s’était rendue au Népal pour venir en aide à des enfants en grand besoin de soins dentaires. Lors de son arrivée, l’équipe a dû faire face à des pro- blèmes inattendus. Toute la communauté souffrait de diarrhée, une affection très ré- 1 2 © ICD © ICD 3 Fig. 1 : Le Ministre taiwanais de la santé et du bien-être Chen Shih-Chung (à gauche) recevant le hash- tag # ICD 100 des mains du Dr Dov Sydney (à droite) à l’occasion du lancement de la campagne du centenaire. | Fig. 2 : Couverture de l’édition 2015 du journal The Globe, lauréat du prix Outstanding Cover (Meilleure couverture) dans le cadre des prix de journalisme dentaire 2016. | Fig. 3 : Couverture de l’édition 2018 du journal The Globe. pandue dans le tiers-monde. Les gens peuvent être extrêmement malades et même mourir s’ils sont privés d’eau cou- rante potable. L’eau utilisée pour le brossage des dents des enfants était contaminée. L’équipe a mis en œuvre un programme permettant d’amener l’eau courante dans le village pour approvisionner les toilettes et les lavabos servant au brossage des dents. Le taux de diarrhée a diminué de 75 % à 5 %. Les enfants ont pu retourner à l’école et les adultes reprendre le travail. Ceci est un bon exemple de l’incidence majeure que les pro- jets dentaires de l’ICD peuvent avoir sur une communauté et sur la santé générale de la population concernée par ces programmes. Comment les projets de l’ICD sont-ils lancés ? Il existe de nombreux types de projets. Certains sont directement financés par le Global Visionary Fund, qui est le fond mon- dial de l’ICD. Le collège compte également 15 sections qui possèdent leurs fondations ou fonds pour lancer leurs propres projets. De nombreux membres sont également en- gagés dans des projets individuels de l’ICD. Dans peu de temps, notre site Web présente- ra une carte interactive illustrant des cen- taines de projets. Un visiteur pourra y consulter les projets didactiques, les pro- grammes d’échanges d’étudiants, les mis- sions humanitaires et bien d’autres choses encore. Nous avons actuellement un impor- tant programme sur la résistance aux anti- biotiques car, aujourd’hui, les antibiotiques deviennent de moins en moins efficaces. Nous coopérons avec les centres pour le contrôle et la prévention des maladies d’At- lanta aux États-Unis, et avec l’Organisation mondiale de la santé pour mettre en place des programmes qui enseignent aux den- tistes comment réagir devant une résis- tance aux antibiotiques. Nous avons égale- ment des programmes sur la septicémie et sur la stérilisation. 2020 marquera le centenaire de l’ICD. Quels sont les changements, les progrès et les déve- loppements dont vous êtes le plus heureux aujourd’hui ? Nous sommes passés d’une vision d’orga- nisation internationale, issue de la ren- contre il y a 100 ans entre deux dentistes, l’un japonais et l’autre américain, à ce que nous sommes aujourd’hui, une société ho- norifique dentaire dont l’empreinte est la plus forte de toutes les autres organisations du même type dans le monde. C’est là un fait qui en dit long. Et au fil de ses 100 ans d’existence, le collège a toujours su recon- naître en toute intégrité les chirurgiens- dentistes qui apportent véritablement une contribution majeure à la dentisterie et à la société. Nous ne sommes pas une organisa- tion très connue. À vrai dire, de nombreux dentistes ne connaissent pas l’ICD et nous nous rendons compte que, pour honorer notre devise « Reconnaître le service et l’oc- casion de servir » et rester attachés à la vision de nos pères fondateurs, nous devons mieux nous faire connaître si nous voulons faire en sorte que les dentistes méritants soient reconnus par le collège. Le centenaire est un grand tournant pour le collège et il confirme que les valeurs fon- damentales de l’ICD sont durables et louables. Les projets, l’organisation et le dévouement de nos membres pour amélio-