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Dental Tribune Édition Française No.5, 2017

14 TALENTS Passion de dents, passion dehors Ce confrère ne nous joue pas du pipeau ! Par le Dr Marc Revise Pierre Dana est surnommé le « luthier des instrumentistes » ! Pourquoi ? C’est ce que nous allons découvrir ou comment un chirurgien dentiste est devenu LA référence chez trois mille musiciens devenus ses patients … © marcrevise2017 La trompette, premier instrument de ta ré- fl exion, est également un instrument pri- mordial et symbolique dans les Écritures saintes. Est-ce une coïncidence, ou y au- rait-il une transcendance, imperceptible in- fl uence venue de notre culture, sans pour autant qu’elle soit empreinte de mysti- cisme ? Je répondrai à la question par : « qui sait ? » La trompette est effectivement dé- crite dans la Bible (Les Nombres, chapitre 10, versets 1 à 10). C’est un instrument sacerdo- tal qui utilise le souffl e, donc l’élément de vie à travers lequel est possible un dialogue. On les retrouve dans l’Apocalypse selon Saint Jean, avec les fameuses sept trom- pettes qui résonneront au Jugement der- nier. C’est un excellent outil de communica- tion, quelle que soit la direction vers la- quelle la demande est formulée. Je te laisse la conclusion, Pierre … Et, si à la suite de cet article, retentissent les Trompettes de la Renommée, nul doute qu’elles ne sonnent comme celles de l’Opé- ra de Verdi, Aïda... Pierre : drpierdan@gmail.com Marc Revise : Ma toute première question n’a rien d’original, mais dis-nous où tout a com- mencé ; es-tu toi-même musicien ? Pierre Dana : Plutôt mélomane ! Pour ma thèse de 3ème cycle (et onze années de re- cherches) je me suis arrêté sur une profes- sion qui utilise sa bouche pour travailler. Pas uniquement parler ou sourire, mais utiliser physiquement la cavité buccale pour produire une action, un travail. Il s’agissait des joueurs d’instruments à vent. Je me suis impliqué dans la compréhen- sion et l’analyse des rapports entre la cavité buccale et les instruments à vent. Je veux rendre hommage au professeur Albert Jeanmonod et au professeur Françoise Dar- mon qui ont accepté le sujet et m’ont sou- tenu, sans oublier le Dr Arcier de Médecine des Arts. Et tu as étudié l’embouchure, réalisé des mo- dèles, des moulages, apporté des corrections pour une meilleure adaptation à la morpho- logie du musicien... Oui, j’ai découvert que le monde musical est peuplé de personnes merveilleuses. Toutes les personnes contactées pour cette thèse, musiciens, luthiers, réparateurs d’ins- truments, conservateurs de musée, or- chestres, rabbins, professeurs de musique m’ont apporté leurs concours avec beau- coup de gentillesse et de patience. Pour en revenir à la question, il a fallu défricher un nouveau terrain et inventer des outils qui permettraient de le faire. Nous savons tous que la cavité buccale est un enjeu important pour parler, rire, sourire, em- brasser, elle joue un rôle important dans la sé- duction, la sexualité, l’alimentation, mais en quoi est-ce si différent pour le musicien ? Pour le musicien, c’est aussi un outil de travail, un élément qui lui assure sa subsis- tance (musicien professionnel). De même que le peintre capte la lumière pour en faire une œuvre d’art, le musicien modèle l’air. Au fi l du temps se créent des relations in- times entre l’embouchure instrumentale et la cavité buccale. Si un élément est altéré, il faut faire appel au luthier pour l’embou- chure ; si c’est un organe de la bouche, c’est le dentiste qui doit analyser la pathologie (souvent, il s’agit des dents). La diffi culté ré- side dans le fait qu’il faut reproduire à l’identique les éléments défectueux, car la moindre différence peut avoir une inci- dence catastrophique sur le jeu instrumen- tal ! Le musicien veut et doit absolument re- trouver l’état dans lequel il se trouvait avant la dégradation, et toute la diffi culté réside dans le fait que cet état, sauf cas particulier, nous autres thérapeutes ne le connaissons pas. Parce que les instrumentistes sont des ar- tistes, ils doivent avoir une sensibilité exacer- bée, comment cela infl uence-t-il ta communi- cation avec eux ? Le musicien est avant tout un interprète, il doit passer le plus fi dèlement possible les émotions du compositeur sur une partition, à travers ses propres émotions pour les faire ressentir à l’auditeur qui possède ses propres fi ltres émotionnels. Singulière et diffi cile alchimie, mais une fois que l’on a compris cela, le contact est établi et tout de- vient simple. Dans la pratique, ces patients ne signalent ni une douleur ni une cavité mais ils indiquent une diffi culté dans cer- tains registres de jeu. Il m’a donc fallu ap- prendre leur langage et les caractéristiques des instruments. Tes patients musiciens sont-ils exclusivement des joueurs d’instruments à vent, ou inter- viens-tu également chez des violonistes par exemple ? Avec le temps, j’ai élargi mon champ d’ac- tion et je me suis rendu compte que les pro- blèmes d’occlusion intervenaient sur le jeu instrumental de tous les instruments... Tu t’impliques dans de nombreuses associa- tions en rapport avec la musique, et participe à des recherches et travaux, à des sympo- siums et congrès pour maintenir ce pont entre dentisterie et musique, entre les den- tistes et les musiciens, deux mondes qui pourraient paraître éloignés … comment ré- sumer ton engagement, ta passion et que transmettre à tes confrères ? Nous pouvons aider les musiciens à jouer une musique plus physiologique par une action curative lorsque cela s’avère néces- saire, mais surtout par une action préven- tive : modèles de référence, panoramique. Le respect de l’instrument est grand chez le musicien et il ne viendrait à personne l’idée d’utiliser un saxophone comme un pied-de- biche (dont il a un peu la forme), alors, pour- quoi utiliser la bouche comme un casse-noi- sette (superbe opéra par ailleurs) ? En jetant des ponts entre nos deux mondes, nous éta- blissons des relations de confi ance avec des patients particuliers qui ont très peur des interventions au niveau de la cavité buccale tant ils en connaissent les risques pour leur profession. Empreinte des lèvres. | Coulée en plâtre. | Embouchure physiologique ou Physiambou.

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