Please activate JavaScript!
Please install Adobe Flash Player, click here for download

Dental Tribune Édition Française

On appelle communément salive le li- quidebiologiquequibaignelacavitébuccale. Est-ce pertinent ? Dès lors que l’on identifie danscefluideoraldesmicro-organismes,des leucocytes, des cellules épithéliales desqua- mées, des débris alimentaires, le biologiste renonce à qualifier ce liquide de salive. Il ré- serve ce vocable aux produits de sécrétion des trois paires de glandes salivaires majeu- res(sous-mandibulaires,sub-lingualesetpa- rotides) et des glandes mineures réparties danslamuqueusebuccale.Leliquidedelaca- vité buccale est dès lors appelé fluide oral, de compositioncomplexeetextrêmementévo- lutive selon le mode de stimulation, la situa- tion physiologique, le cycle circadien, l’état de santé du sujet, son âge… Néanmoins, la contribution des sécrétions salivaires est dé- terminante même si d’autres apports endo- gènes (fluide gingival, sang) et des compo- sants exogènes enrichissent l’ensemble(1) . La grande originalité biologique des com- posantsdelacavitébuccaleestqu’ilssetrou- vent placés sous la double influence du mi- lieu dit intérieur, et du fluide oral, assimilé à un « milieu buccal extérieur ». On est alors fondé à rechercher les influences qu’exerce ce fluide oral sur les structures et fonctions buccales. Actions antimicrobiennes, main- tien des structures dentaires superficielles, rôlesdanslanutrition,lagustationetl’élocu- tion, équilibre muqueux trouvent leur justi- fication dans l’étude fine de la composition du fluide oral et des sécrétions salivaires. La xérostomie, étymologiquement, bou- che sèche, se réfère généralement à une ap- préciation subjective du sujet, alors que l’hy- posialie renvoie à un signe objectif, mesura- ble, une diminution du débit salivaire, les deux approches n’étant pas nécessairement liées. Les sécrétions salivaires étant de com- positions différentes selon leur origine glan- dulaire,oncomprendaisémentqu’ilfaudrait précisersiledéficitsécrétoireestliéàtelleou telle glande. Si tout le monde s’entend sur la nécessité d’adosser un diagnostic de trouble salivaire à plusieurs groupes de critères dia- gnostiques – la xérostomie, l’hyposialie, et unesialadéniteauto-immune–onestloindu consensus sur la signification à donner à chaque item. Aspects cliniques de l’hyposialie et de sa prise en charge Quoi qu’il en soit, l’hyposialie est un motif fréquent de nos consultations du fait de son caractèreinvalidant(alimentation,viesociale (communication, sexualité)) entraînant un isolement tant physique que psychologique. Dans la cavité buccale, l’hyposialie engendre des modifications du microbiote oral favori- sant le développement d’infections opportu- nistes,decariesmaisaussid’altérationstissu- laires(Fig.1),etdescandidosessouventrécidi- vantes (Fig. 2). Les infections bactériennes sont la source de gingivites (Fig. 3), de paro- dontites et de caries à progression rapide aboutissantàuneédentationprogressive.Ces infections bactériennes peuvent s’étendre aux glandes salivaires (Fig. 4). De même, en l’absence de salive, les muqueuses buccales s’atrophient et ont un aspect lisse et fin pro- pice à une intolérance aux prothèses dentai- resamovibles.Ladiminutiondupouvoirtam- ponengendresurlesdentsunedéminéralisa- tion amélaire à l’origine d’érosions dentaires pouvant atteindre les surfaces non fonction- nelles(Fig.5)etdeslésionscarieuses. Plus l’interception est précoce, adaptée et prolongée,plusgrandesserontleschancesde conserver les aspects fonctionnels et esthé- tiques des dents. Il est donc nécessaire de connaître les aspects cliniques et de recher- cher les étiologies car les conséquences peu- ventaboutiràunédentementprécocequiag- gravera la qualité de vie de ces patients. Lestraitementsproposéspourl’hyposialie sont préventifs et curatifs. Ils sont fonction de l’étiologie. Les agents aggravants comme le tabac et l’alcool sont à proscrire. Le traitement va inclure l’utilisation des solutions allant des rinçages buccaux et des substitutssalivairesàlaprescriptiondesialo- gogues, l’élimination éventuelle de médica- ments ayant des effets anti-cholinergiques, le suivi des soins conservateurs et la préven- tion carieuse par un praticien(2) . Parfois,lorsqu’iln’yaplusdepossibilitéde stimulation salivaire, la prise en charge est palliative et associe le maintien de l’humifi- cationoraleàunefluorurationtopiqueetdes conseils d’hygiène et de diététique. Ainsi, la collaboration avec un diététicien trouve toute sa place, car celui-ci pourra suggérer desalimentsetdesboissonsaidantlepatient à retrouver du « goût ». Il appartient donc à l’odontologiste de dé- pister au plus tôt l’hyposialie, souvent évo- quée par le patient, de trouver l’étiologie pourproposerunethérapeutiqueetunsuivi adaptés. Une prise en charge multidicipli- naire précoce permettra d’en limiter les ef- fets néfastes. La salive comme biomar- queur de la santé générale L’analyse de la salive humaine permet au- jourd’hui d’investiguer un certain nombre de pathologies comme le syndrome de Gou- gerot-Sjögren, la cirrhose, la cystite, certains diabètesainsiquedesdiagnosticsbactériolo- giques (parodontite, cariologie) et viraux (HIV). Des biomarqueurs spécifiques peu- ventêtreidentifiésdanslasaliveetsontlere- flet d’un exsudat du sérum. Ces biomar- queurssontassociésàl’installationd’unéco- système microbiologique et chimique en lien avec des facteurs de risques (tabac, ali- mentation, hygiène…). Onpeutcertainementsepermettredepar- ler d’un métabolisme salivaire. Le diagnostic salivairedurisquecarieuxparlamesuredela charge en Lactobacillus spp., de Streptococ- cus mutans et la mesure du pouvoir tampon de la salive en est un bon exemple en chirur- gie dentaire. Le diagnostic salivaire peut-il avoir des applications en médecine géné- rale ? La salive peut-elle aussi être analysée pour diagnostiquer des pathologies cancé- reuses ? Il a été rapporté que des cellules tu- moralesd’unpatientatteintd’uncanceroral étaient présentes dans sa salive(3) . Le trans- criptome de la salive (ensemble des ARNm) compte environ 3000 ARNm différents, dont 180 sont toujours communs parmi les sujets sains représentant ainsi le transcrip- tome salivaire normal. Par ailleurs, l’évalua- tion quantitative de certaines bactéries peut être un bon marqueur de risques de cancers buccaux(4) . Pouvons-nous y ajouter l’analyse des métabolites cellulaires, les composés or- 29Dental Tribune Édition Française | Novembre 2012 CONFERENCE EN DIRECT SPÉCIALADF La salive ou l’eau à la bouche Connaître les effets de l’âge et des maladies systémiques sur la salive. Savoir organiser la prise en charge et les mesures préventives dans les cas d’hyposialie. Appréhender la salive comme marqueur biologique de la santé générale. Responsable scientifique : Dr Jacques-Olivier Pers( UFR de Brest PU-PH) Conférenciers : Sylvie Boisramé-Gastrin, Franck Chaubron, Bernard Pellat, Jacques-Olivier Pers Cours… A2-Recherche,biologie,épidémiologie du Mardi 27 novembre – 9H – 11H30 Fig.2 : Candidose aiguë sous sa forme pseudo- membraneuse. Fig.3 : Amincissement gingival avec gingivite mar- ginale généralisée. Fig.4 : Pus retrouvé à l’orifice du canal parotidien. Fig.5 : Erosions de l’émail chez une personne souf- frant d’asialie.Aspect gingival vernissé. Fig.1 : Face dorsale d’une langue sèche,fissurée. Suite page 30 DR BOISRAMÉ-GASTRIN SYLVIE MCU-PH,PhD · Ancien interne des Hôpitaux de Brest · Coordonnateur odontolo- giste D.E.S.C.O.inter- région Ouest · Membre titulaire de la Société Française de Chirurgie Orale (SFCO) DR FRANCK CHAUBRON PhD · Institut Clinident PR BERNARD PELLAT professeur émérite (sciences biologiques) · ex-doyen, Université Paris Descartes PR JACQUES-OLIVIER PERS · Directeur EA2216 «Immunologie & Pathologie» · Vice-Doyen de l’UFR d’odontologie de Brest